Preface

Alice Lorange: Magical Girl Autiste
Posted originally on the SquidgeWorld Archive at http://squidgeworld.org/works/60155.

Rating:
Mature
Archive Warning:
Graphic Depictions Of Violence
Category:
Gen
Fandoms:
Original Work, Autistic Magical Girls [MiaQc Stories], A.L.A.N. [MiaQc Stories], MiaQc Stories - All Fandom Types
Relationships:
Original Female Character(s) & Original Male Character(s), Original Female Character(s) & Original Female Character(s), Original Female Character(s) & Original Non-Human Character(s), Alice Blondinka & Alice Brown & Alice Lorange & Alice Kurosawa [MiaQc OC], Alice Lorange | Magical Aella [MiaQc OC] & Other(s)
Characters:
Tentacle Monster - Character, Original Male Character(s), Original Female Character(s), Original Trans Character(s), Original Human Character(s), Original Female Human Character(s), Original Female Character(s) of Color, Alice Lorange | Magical Aella [MiaQc OC], Alice Blondinka | Alice D | Magical Dayla [MiaQc OC], Alice Brown | Magical Petra [MiaQc OC], Alice Kurosawa | Magical Calida [MiaQc OC], Ethel [MiaQc OC], Trace (Generic) [MiaQc OC], Trace Heather [MiaQc OC], Trace Lisa | Trace Rosa [MiaQc OC], Trace Jennifer | Trace Elise [MiaQc OC], Trace Aya [MiaQc OC], Alex Barrier [MiaQc OC], Lily Adanyi [MiaQc OC], Aimé Damour [MiaQc OC], Nana Raimei [MiaQc OC], Charlie Toujours | Charlie Always [MiaQc OC], Jack [MiaQc OC], Colin Coudeau | Colin Seewater [MiaQc OC], Elrica Elsa | Elrikari de/of Elsanim [MiaQc OC], Miller [MiaQc OC], Corali’hulu [MiaQc OC], Shantalia [MiaQc OC], Lena [MiaQc OC], Denis [MiaQc OC], Nuri [MiaQc OC], Other Character(s), Original Magical Girl Character(s)
Additional Tags:
Autism, Autism Spectrum, Black Character(s), Female Protagonist, Footnotes, French Character(s), Japanese Character(s), POV First Person, Psychological Horror, Québec, Sharing A Body, Translations in Notes, Zombies, Islands, Word count: 10.000-30.000, POV Alternating, Trans Character, Original Female Character(s) - Freeform, Mythical Beings & Creatures, American Character(s), Russian Character(s), Cross-Posted from AO3, Betaed – No, Autistic Character(s), POV Autistic Character, Word count: Over 10.000, Past Rape/Non-con, Magical Girl, Autistic Author
Language:
French (Français)
Stats:
Published: 2020-04-14 Words: 28,491 Chapters: 25/25

Alice Lorange: Magical Girl Autiste

Summary

Je suis Alice Lorange.
Je ne suis pas une adolescente comme les Autres.
Oui, j’ai bel et bien dit Autres, avec un grand A.
Dans ce monde, il y a moi et les Autres.
Après avoir fait un cauchemar démentiel, je suis maintenant dans une étrange maison.
En plein cœur de l’Inconnu.
L’Inconnu… Les Autres…
Ce n’est pas simple d’être autiste !
---
Ma tentative d'écrire un roman en mélangeant plusieurs de mes histoires. Comme mon expérience pour vivre financièrement de cette œuvre s'est terminée en échec, la voici sur Squidgeworld. Il n'y a pas de scènes sexuelles dans l'histoire.

CHAPITRE 1: Douleur ~ Chaos de l’école

Bien que cette histoire ne contienne pas de contenu explicite, elle parle de sujet mature, tel que l’intimidation, le viol, le suicide. Il y a aussi une mention de drogues et des jurons québécois.


Je me tiens dans un couloir. Couloir. École. Couloir. Mes pensées se mélangent et mon cerveau semble avoir de la difficulté à faire le point. Couloir. École. Couloir. École. Couloir. Où ? À la maison ? En sûreté ? Je secoue vivement ma tête pour me « replacer dans la Réalité ». Allez, ressaisis-toi, Alice ! Tu es… Je me nomme Alice et je me tiens dans l’un des couloirs de mon école. Voilà qui est mieux ! me dis-je, rassurée. En passant, car cela est important à mes yeux, je suis une Québécoise, j’ai 16 ans, et je suis en cinquième secondaire.

J’attends le début de mon prochain cours tout en regardant ma montre. Dix minutes… encore dix minutes et... Puis mes pensées sont distraites par quelque chose. Des sons. Des bruits. Des étudiants qui jasent entre eux. Des élèves qui passent près de moi. Beaucoup trop près de ma personne. Non, non, NON !  La panique me vient soudainement et mon cerveau me crie « danger, danger, danger ! ». Ne l’écoute pas, Alice ! Fait comme d’habitude. Pense à quelque chose d’heureux. Mais, à cet instant, je suis incapable de penser à quoi que ce soit.

Soudain, je les entends. Les Voix. Les Voix des Autres.

« T’es bizarre, Alice, dit une voix d’adolescent.

— Non, c’est une estie de folle et une cochonne ! rétorque violemment la voix aiguë d’une étudiante.

— Crois-tu vraiment ça ? demande la voix d’une fille plus jeune.

— Ben ouais ! Elle n’est pas comme nous.

— Je ne vois pas le rapport… », dit la voix d’une autre adolescente.

Ces voix. Sont-elles réelles ou imaginaires ? Je suis incapable de le dire, mais je les entends toujours.

« ‘‘Lorange’’… quelle sorte de nom de marde est-ce ça ? demande une autre voix, masculine et moqueuse.

— Euh… » dit une autre voix féminine en hésitant un peu, « ‘‘l’or ange’’… ? Ou bien… ‘‘low range’’ ? [1]»

Toutes les voix rigolent aux éclats. Je me retiens de pleurer. Ça me fait si mal. Tout à coup, la cloche sonne.

Je soupire de soulagement et je me dirige lentement vers ma classe, comme à mon habitude. Mes pas semblent faire beaucoup de bruits. Pourtant je porte des espadrilles sans lacets. Mon cœur semble cogner dans ma poitrine. Mes cheveux roux, ondulés qui s’arrêtent à mi-dos, se lèvent à chacun de mes pas. Mes yeux verts sont fixés sur leur objectif, alors que j’aurais bien envie de regarder autre chose, comme mes vêtements. Un chandail vert à manches longues avec un jean. Mon cerveau ne me crie plus « danger », mais je les entends toujours. Les Voix des Autres. Leurs rires. Dans ma tête. Dans mon âme. Marquée à jamais par ces imbéciles.

Dès que j’entre dans la classe, je m’assois à mon pupitre, comme d’habitude. Mon enseignant commence sa leçon - c’est un cours de maths - et je n’arrive pas à le suivre. J’ai toujours eu de la difficulté avec les mathématiques, mais, là, j’avais l’impression d’être sur une autre planète et d’avoir un extraterrestre comme professeur. Oh la la !  Ma pauvre tête veut exploser ! Exploser de douleur, comme toujours. Ma chère tête adore m’envoyer des signaux qui se transforment rapidement en douleur à chaque problème de ma pauvre vie. Un Autre se moque de moi ? Points de Douleur +1. Un Autre se moque de moi pendant longtemps ? Points de Douleur +5. Un Autre veut me parler ? Activation de l’Inconfort, cerveau qui crie « danger » et Points de Douleur +1 par seconde. Un problème scolaire quelconque ? Points de Douleur +5. Un GROS problème scolaire ? Points de Douleur +10 ! J’ai toujours adoré les jeux vidéo, alors… À quel niveau serait mon Endurance Mentale ? Euh… est-ce possible qu’elle soit à 0 ? Ma tête me fait vivre des misères. Je ressens des vagues de douleurs à intervalles réguliers. Oui, elle doit être à 0. Allez, Alice, attends que le cours se termine, et surtout, ne pleure pas ! C’est ma règle numéro un. Ne jamais montrer de faiblesse en pleurant, en étant « trop émotionnelle, comme une gamine de la maternelle », sinon les Autres vont me faire des choses horribles et très, très douloureuses.

J’attends donc que le temps passe, tout en gribouillant n’importe quoi dans mon cahier d’exercices. Malgré la protection des manches de mon chandail, ma peau commence à picoter, à trembler, à « brûler ». Zut !  Il ne manquait plus que ça. Ma peau, en plus d’être d’une blancheur très pâle, est tout simplement hypersensible et le papier me « brûle ». Le carton également. Après ce qui semble être une éternité, mon cours de maths se termine. Enfin…  mais la journée n’est pas encore terminée. Je soupire de découragement.

À l’heure du midi, à la cafétéria, je mange seule, dans mon coin, comme à l’habitude. Interagir avec les Autres en m’assoyant près d’eux ? JAMAIS DE LA VIE ! me dis-je d’un ton ferme. Je ressens à peine le goût de mon repas, tant mes autres sens sont agressés par ce boucan. Tous les étudiants qui jasent entre eux, le bruit des plateaux de nourriture qui se bousculent, ceux qui mangent en faisant du bruit... J’ai dû partir rapidement pour la tranquillité temporaire des corridors. Ensuite, je dois faire mes cours de l’après-midi. J’ai pu retenir quelques trucs dans mon cours d’anglais, mais le reste a disparu dans un trou noir et béant. C’est pas surprenant, mon cerveau chauffe à blanc !

Quand ma journée d’école se termine (enfin !), je rentre chez moi à pied. J’habite une petite ville québécoise, ayant le nom assez particulier de Six-Luminéal. Je suis toujours le même trajet, sans jamais le dévier, bien qu’il en existe d’autres. La routine, c’est ce qui me maintient « en vie » dans ce monde. Un monde chaotique et bien souvent incompréhensible. Je ne comprends pas la Société Humaine…, me dis-je, en profondes réflexions. Pourquoi apprenons-nous bien des trucs à l’école si certaines matières ne sont jamais utilisées plus tard dans notre vie ? Pourquoi cela semble si compliqué de se dénicher un emploi ? Passer des entrevues, attendre une réponse… Je ne pige rien. Et puis pourquoi faut-il dire « excusez-moi » quand on passe près de quelqu’un ? Ce n’est pas logique. Maintenant, ma tête va un peu mieux, mais j’ai l’impression que cela ne va pas durer.

Dès que j’arrive devant chez moi, ou plutôt devant la maison de mes parents, j’entre et j’entends une voix familière.

« Salut, Alice. »

La voix de ma mère, qui provient de la cuisine. Rayelle Lorange. Rousse, comme moi, mais aux cheveux plus courts et aux yeux bleu foncé. Je ne lui réponds pas, car je ne vois pas l’utilité de le faire. Je veux me diriger vers le salon quand ma mère me parle encore.

« Alors, comment s’est passée ta journée ? »

C’est une bonne question. Que vais-je lui répondre ? Chaotique, douloureuse, stupide ? Non. Je vais lui donner ma réponse prémontée depuis une éternité.

« Bien, Rayelle. »

Une réponse dite toujours d’un ton neutre. Sans expressions. La simplicité de la survie.

Je me rends au salon et j’entends Rayelle soupirer, comme toujours. Je ne suis même pas surprise si elle va de ce pas quitter la cuisine pour aller me trouver. C’est ce que Rayelle fait. Maintenant nous nous faisons face et je sens une tension malsaine dans l’air.

« Pourquoi ? me dit tout simplement Rayelle.

— Pourquoi… quoi ? lui demandé-je. »

Je n’arrive pas à décoder ses paroles.

« Pourquoi ne m’appelles-tu pas maman ? »

Je soupire de découragement. Encore cette discussion.  Combien de fois faudra-t-il la refaire ?

« Parce que ce n’est pas naturel, » lui répondis-je. « Votre prénom est Rayelle.

— Oui, mais je suis ta mère ! Tu me parles toujours comme à une étrangère… »

Soudain, la voix de mon père, un homme aux cheveux bruns portant le nom complet de Shawn Mabis, se fait entendre de loin.

« Allons, quel est encore le problème ?

— Toi, ne t’en mêle pas ! lui rétorque son épouse.

— Je dois être polie, » continué-je d’argumenter. « Vous êtes…

— Non, pas ‘‘vous’’, ‘‘tu’’, et est-il si difficile de m’appeler maman ? »

D’habitude, pour en finir avec ces absurdités, je lui dis « non » suivi de « Rayelle », mais, cette fois-ci, je tente autre chose.

« Euh… oui… ? »

La tension dans l’air semble vouloir m’étouffer. Je sens que Rayelle va exploser de colère. Je sais très bien ce qui va se passer ensuite. Comme d’habitude, ma mère va crier.

« POURQUOI, POURQUOI, POURQUOI ? »

Puis elle va me demander pourquoi je ne suis pas comme tout le monde.

« Pourquoi ne te comportes-tu pas comme tout le monde ? Comme une adolescente normale ? »

Pourtant les adolescentes « normales » que je connais ne pensent qu’à fêter et aux garçons. Je connais même une fille qui s’est vantée d’avoir couché avec un garçon plus âgé à l’âge de 14 ans. À 14 ans !!!  Vous rendez-vous compte ? Le monde est fou ! Finalement, Rayelle m’ordonne d’aller dans ma chambre, d’un ton sec et blessant. Comme toujours, je lui obéis.

Malgré ma nouvelle réponse, rien n’a changé. Cette conversation se termine toujours de la même façon. Rayelle dans une colère noire. Shawn qui doit aller la calmer, du mieux qu’il le peut. Moi, Alice Lorange, dans ma chambre, dans ma Zone de Sûreté, avec la douleur qui veut me revenir à la tête. À moins qu’elle soit déjà là ?  Je n’arrive plus à le savoir. Oh ! Chère douleur, comme les Autres, tu ne me laisses jamais tranquille. Bien qu’ils soient mes parents, Rayelle et Shawn sont des Autres.

Ils ne sont pas comme moi. Ils ne sont pas autistes, et cela me fait honte. Après tout, s’ils étaient comme moi, ils ne me causeraient pas autant de soucis. De tristesse. De douleur.


[1] Peut se traduire par « portée basse ».

CHAPITRE 2: Folie ~ Cauchemar démentiel

Dans ma chambre, je tente de calmer cette sensation désagréable (un début de douleur ?) que j’ai à la tête. Comme y réfléchir ne donne rien, je pense à me distraire, mais comment ? En faisant mes devoirs ? Non, c’est encore toucher du papier, et j’en ai pas envie. En jouant à un jeu vidéo sur mon ordinateur personnel, un vieux modèle usé que j’ai eu grâce à Shawn ? Non. De toute façon, il « lag » beaucoup ces jours-ci. Que pourrais-je faire d’autre ? Soudain, ça me prend. Un intense point de douleur à ma tête, comme si on m’avait enfoncé une barre de métal dans le crâne. Oh la la, mais ça fait mal !  Étant incapable de rester debout plus longtemps, je vais m’allonger sur mon lit. Cela me fait énormément de bien, mais je sais que la guerre n’est pas encore gagnée.

Bien que je sois dans ma Zone de Sûreté, loin des Autres et de l’Inconnu, il m’en faut plus pour faire cesser cette douleur. Je dois me déconnecter de tout. De la Réalité même. Bref, je dois dormir. Sans prendre le temps de me mettre en pyjama, de toute façon il est trop tôt pour être en vêtements de nuit, je me mets sous les couvertures et je ferme les yeux.

Je tente de m’endormir. Non !  Il y a trop de lumière ! Je me lève rapidement, tire les rideaux de ma petite fenêtre, ferme les lumières, et je retourne dans mon lit. Bon, là, ça va marcher ! me dis-je, toute contente. Je ferme les yeux à nouveau. Cela prend un temps, mais je m’endors et le point de douleur se fait exterminer.

Je me retrouve soudainement sur une route qui semble être sans fin. Un épais brouillard est présent. C’est... l’une des formes de l’Inconnu. L’Inconnu, c’est quoi ? C’est beaucoup de choses. Pour faire simple, l’Inconnu est tout ce qui est nouveau, inhabituel et dangereux. S’il pense me faire peur... ! J’ai pensé cela pour me rassurer, mais l’Inconnu me cause toujours des soucis. Je commence à marcher, sans savoir où aller, car c’est à peine si je vois devant moi. Tout à coup, j’entends un grognement terrifiant. Je tourne lentement sur moi-même, mais je ne vois personne dans le brouillard. Je continue donc de marcher. Le grognement se fait réentendre. Il semble tout près. Puis je me retourne vivement pour faire face à l’ombre menaçante d’une créature aux yeux brillants. Qu’est-ce que… ? Est-ce un fantôme, un loup-garou, un démon ? Peu importe. Je dois m’enfuir !

Je prends la fuite sans plus attendre. Je cours, encore et encore, dans le brouillard. Tout à coup, mon corps se retrouve entouré de lumière. La lumière explose et mes vêtements ont disparu. Il ne me reste plus que mon soutien-gorge, ma petite culotte et mes bas. Malgré cela, je n’arrête pas de courir. Soudain, un haut blanc et vert foncé moulant sans manches apparait, cachant mon soutien-gorge. Ensuite, une mini-jupe vert pâle se matérialise, avec de shorts foncés en dessous, dissimulant ma petite culotte. Après, de courts gants blancs apparaissent, cachant mes mains, suivis de petites bottes vertes, couvrant mes bas. Pour finir, un gros ruban vert pâle nait sur ma poitrine, ainsi que de longs rubans minces dans le dos de ma nouvelle tenue. C’est un uniforme de magical girl [2]. Je n’ai pas d’accessoires dans mes cheveux. Aussi aucun bijou.

Je ne me suis jamais sentie aussi exposée de toute ma vie. Normalement, ma peau me « brûlerait », cherchant une protection en tissu, mais je suis bien trop concentrée à courir pour ressentir quoi ce que soit. Je cours toujours quand je me rends compte que mes pas ne font pas le même son que tout à l’heure. J’ai quitté la route et je cours sur de l’herbe, puis sur un sentier sinueux. Je dois être dans une forêt. Si seulement ce foutu brouillard voulait bien disparaitre ! Soudain, j’aperçois ce qui semble être une maison au loin. Comme la créature aux yeux brillants me poursuit toujours, je me dis que me cacher dans la demeure serait une excellente idée.

J’arrive devant la maison. Je tente d’ouvrir la porte d’entrée, mais elle est verrouillée. Non, non, non ! m’exclamé-je, en panique. Je tente ensuite d’ouvrir les fenêtres qui sont à ma portée. Elles refusent de s’ouvrir. NOOOOOOOOOOOON ! hurlé-je, en plein désespoir. Sans plus attendre, l’ombre menaçante de la créature arrive, et je suis obligée de me retourner pour l’affronter. Contre toutes attentes, l’ombre, plutôt que de me bondir dessus pour me buter, se transforme en une adolescente. Une étudiante aux courts cheveux noirs que je connais que trop bien.

« Mél... Mélane Fauchon ? »

Mélane. Parmi tous les Autres, c’est elle qui me cause le plus de soucis, et de douleur, à l’école. Que fait-elle là, dans mon rêve ? me demandé-je, surprise. Quoique s’il s’agit d’un cauchemar, c’est logique qu’elle soit là, mais, rêve ou cauchemar, je devrais pouvoir me réveiller, non ? J’ai beau me concentrer, je n’arrive pas à me réveiller. Mélane reste silencieuse. Son regard brun café est toujours fixé sur moi. Je n’aime pas ça du tout.

« Que faites-vous ici ? demandé-je à Mélane.

— Alice… »

Le reste de ses paroles me glacent le sang.

« Pourquoi veux-tu me crever les yeux, m’arracher les ongles, me brûler les cheveux, puis transformer mon cœur en bouillie ?

— Qu-Quoi ? Pourquoi voudrais-je vous tu... ? »

Je me tais soudainement et l’envie de tuer Mélane me vient à l’esprit. Je... jE…, commencé-je à penser malgré moi.

« C’est tout simple. » me répondit l’étudiante aux courts cheveux noirs. « T’as déjà du sang sur toi… »

Mon uniforme de magical girl se retrouve taché de sang. jE… vEuX…

« …et t’en veux encore ! Alors qu’est-ce que t’attends ? T’as un couteau, non ? »

Oui, j’ai un couteau. Tenu par ma main gauche. Il n’était pas là avant. Il est tout simplement apparu dans ma main. jE vEuX tE tUeR, tAbArNaK d’AuTrE !!! Comme possédée par une rage meurtrière, je pousse un cri bestial, avant de me jeter sur Mélane pour la poignarder. Encore. Et encore. Et encore ! eT eNcoRe !!!

Ha ha ha ha ha ha ha ! Je rigole dans ma tête, tout en riant à voix haute. Si c’est un rêve,  il est gé-ni-al ! Sans perdre de temps, je défigure Mélane, tout en faisant sortir ses yeux de ses orbites, et je compte bien lui arracher les ongles. Qui sera le prochain, hein ?  Mes imbéciles de parents, mes idiots de profs, la dame folle du supermarché... ? Soudain, le brouillard se lève et tout se brise autour de moi, tels des fragments de miroir. Mon étrange folie disparait, ainsi que le couteau ensanglanté. En voyant le cadavre de Mélane et le sang sur moi, j’hurle de terreur, avant de tomber dans un abime sombre et sans fin.

Je pousse un cri en me réveillant. Quel cauchemar ! J’en ai jamais fait d’aussi affreux. En plus, c’est comme si j’avais perdu le contrôle sur moi-même. Moi, tuer quelqu’un comme ça ?  Impossible ! Je me lève et quelque chose cloche. Les murs sont orange. Ceux de ma chambre sont d’un bleu pâle. Le lit est ancien, avec une tête et une base en bois. Le mien est moderne, avec une tête et une base en métal. Aucune trace de mon ordinateur, de mes devoirs, de ma garde-robe.

En panique, j’appelle Rayelle et Shawn. Aucune réponse. Mes parents ne sont pas là. Je ne suis plus dans ma chambre. Je ne suis pas chez moi. Je suis en plein dans l’Inconnu. Tout en me retenant de hurler réellement, je crie dans mon esprit.


[2] Peut se traduire par « fille magique ». Les magical girls sont souvent des jeunes filles pouvant se transformer pour combattre les forces du mal. Parmi les magical girls célèbres se trouve Sailor Moon, créée par la mangaka (auteur de manga) Naoko Takeuchi.

CHAPITRE 3: Maison ~ Exploration

Mon corps se met à trembler, ma tête veut à nouveau exploser de douleur, les larmes me viennent aux yeux. Je n’ai qu’une envie, pleurer. Ne panique pas, Alice ! Tu peux TRÈS BIEN te débrouiller seule ! Tu as... Tu as qu’à... explorer les lieux. Oui, c’est ça ! Mes paroles « replacent » mon état mental. Ma douleur à la tête diminue d’un cran, mon corps ne tremble plus. Quant aux larmes, mes yeux n’en produisent plus. J’essuie celles qui ont coulé puis mon exploration débute.

Je commence par regarder attentivement la chambre aux murs orange. À part ce que j’ai déjà vu, il y a une petite table ayant une bougie éteinte dans un porte-bougie en forme de pilier, des allumettes, et, étrangement, des bandages. Ensuite, je sors de la chambre. Je me retrouve alors dans un long corridor ayant cinq portes. Celle que je viens d’utiliser a mon prénom de gravé dessus ainsi qu’un cercle orange. Trois autres portes ont aussi le prénom « Alice », mais leurs cercles sont d’une autre couleur : jaune, brun et noir. La dernière porte a tout simplement les mots « salle de bain ». Curieuse, je vais voir à l’extrémité est du couloir. Je trouve une trappe menant au grenier. Ensuite, je vais à l’extrémité ouest. Il y a des escaliers descendant au rez-de-chaussée.

Je retourne voir les portes « Alice ». Devrais-je en ouvrir une ?  Pourquoi pas ? Je tente d’ouvrir celle avec un cercle jaune quand une douleur arrive à ma main droite. Je retire vivement ma main de la poignée et elle saigne. Une petite lame était sortie de la poignée pour me blesser la paume. Encore sous le coup de la surprise, je regarde la lame retourner dans la poignée. Ça alors ! Une poignée piégée !  Les autres le sont-elles aussi ? Malgré ma blessure, je tente d’ouvrir la porte avec un cercle brun, puis celle avec un cercle noir, et ma main se fait à nouveau endommager par les lames des poignées. Bon. J’en déduis que je n’ai le droit d’entrer que dans la chambre orange… et dans la salle de bain, sans doute.  Les bandages que j’ai vus servent en cas « d’accident avec les portes ».

Je retourne dans la chambre orange pour bander ma main blessée. Après avoir fait ça, je suis surprise de voir d’autres bandages apparaitre comme par magie. Comment est-ce possible ?  Ce… Ce n’est pas logique. Voulant éviter de paniquer, et de ramener une douleur à ma tête, je quitte la chambre pour aller au grenier. Au grenier, oh la la, tout ce fouillis ! Des boites empilées au peu partout. Des livres sur le plancher. De la vaisselle cassée. Une bonne couche de poussière sur le tout. Des toiles d’araignées par-ci par-là... Mon corps se met à trembler comme une feuille. Ma peau, hypersensible, me « brûle ». NNNOOOOOONNN ! hurlé-je, bien malgré moi. Je dois partir d’ici au plus vite ! Je pars du grenier en courant.

De retour au corridor avec les portes « Alice », je vais à la salle de bain et, comme je l’avais déduit, je peux entrer sans que la poignée me blesse la main. Contrairement à la chambre orange, et au reste de la maison qui semble ancienne, la salle de bain est moderne. Il y a un bain avec une pomme de douche, un lavabo avec de l’eau chaude et froide, un miroir, mais aucune ampoule pour de la lumière. Seule la lumière du soleil éclaire la pièce. Sans perdre de temps, je m’asperge le visage d’eau froide pour me « remettre » du choc du grenier. Ensuite, je me regarde dans le miroir. J’ai toujours détesté me regarder dans la glace. Je n’en vois pas l’utilité. En plus, je me trouve toujours laide et ridicule. Bon sang, t’as l’air d’une fille sur de la dope ! Je soupire puis je quitte la salle de bain pour aller au rez-de-chaussée.

Au rez-de-chaussée, je découvre plusieurs choses. Une porte menant à des escaliers pour le sous-sol. Un salon presque vide, car il n’a qu’un grand fauteuil. Aucune télévision. Une cuisine très moderne. Tout y est. Frigo, four, four à micro-ondes, grille-pain, cocotte à riz, etc. Une petite salle à manger, ayant une table et quatre chaises, puis un vestibule. Au vestibule, pensant pouvoir sortir d’ici, je tente d’ouvrir la porte d’entrée. Soudain, un étrange symbole magique apparait. Il me repousse, en me faisant tomber sur le plancher, puis il disparait. Ce symbole est un grand cercle contenant une étoile à six branches, un croissant de lune et un petit soleil au milieu de l’étoile, ainsi que d’autres symboles inconnus. Refusant d’abandonner, je me relève et je tente à nouveau d’ouvrir la porte. Le symbole magique me repousse encore une fois. Allez, Alice ! Ne panique pas ! Je sens ma tête devenir lourde. La douleur veut me revenir. Il doit bien y avoir une autre sortie quelque part..., me dis-je, en voulant me rassurer.

Je retourne donc au salon pour tenter d’ouvrir une fenêtre. Je n’y arrive pas. C’est comme si une force invisible la maintenait fermée. Je vais alors à la cuisine, car il y a aussi une fenêtre là-bas, pour l’ouvrir, mais elle aussi refuse de bouger. Non..., me dis-je, tristement. Je tente d’ouvrir toutes les autres fenêtres que je peux trouver au rez-de-chaussée. Aucune ne veut s’ouvrir. Non, non, NON ! me dis-je, en voulant paniquer. Mais attends... t’as pas encore regardé le sous-sol ! Misant tous mes espoirs sur lui, je vais au sous-sol. Je me retrouve dans une grande pièce ouverte avec des murs blancs. Aucune porte, aucune sortie.

C’est alors que je compris que je suis la prisonnière de cette maison. Il n’y a pas de sortie et je suis toujours au cœur de l’Inconnu. NOOOOOOOOOOON ! Je ne me retiens pas. Je pleure à chaudes larmes, tout en hurlant. Pendant que je crie, mon bandage se défait et il tombe au sol. C’est alors que je remarque que ma main droite est guérie, comme par magie, ce qui me fait taire. Co...Comment... ? J’essuie mes larmes et je me force à cesser de pleurer. Comment est-ce possible ? Où suis-je donc ? À qui appartient cette maison ? Une chose est sûre, je vais le découvrir tôt ou tard.

CHAPITRE 4: Rencontres ~ Les autres Alice

Je remonte lentement au rez-de-chaussée, puis j’entends une voix. Une voix féminine. Elle provient de la cuisine. Génial ! Je ne suis pas seule ! me dis-je tout heureuse. Mais pourquoi n’ai-je pas croisé cette personne avant ? Je vais à la cuisine et je vois une jeune adolescente blonde aux petits yeux bleus. Ses cheveux couleur miel sont attachés en une longue tresse. L’adolescente blonde porte des vêtements de sport. Un épais chandail à capuchon. Des pantalons d’entrainement. Le tout d’un rose fluo. Ouache ! me dis-je, dégoutée. Ce que c’est laid ! Pas ses vêtements, la couleur.

« Euh… bonjour ? »

La fille blonde me répond, mais je ne la comprends pas.

« О, привет! Ты ведь новая Элис, не так ли? [3]

— Je suis désolée, mais je ne parle pas russe. »

Je ne connais que le français et un peu d’anglais.

« Простите, [4]» me dit l’adolescente inconnue. « Elle se détraque parfois. T’es une nouvelle Alice, n’est-ce pas ? Je ne t’avais jamais vue avant.

— Oui… enfin… j’ai entendu du russe…

— Bien sûr. La traduction automatique. Elle ne fonctionne pas à 100% tout le temps. Je m’appelle Alice Demidova. D pour faire court, et tu es Alice… qui ?

— Alice Lorange, mais…

— Cool ! ‘‘Lorange’’… c’est français, non ? »

Je lui répondis que « oui » et je veux parler d’avantage quand D m’interrompt.

« Je viens de Russie, mais t’as dû le deviner. Хотел бы я чтобы мой английский был лучше. [5]

— Pardon ?

— Je déteste quand elle fait ça ! Bref, as-tu croisé les autres Alice ? »

Je me sens alors toute perdue. D’autres Alice, ici ? Je réponds « non » à D, car je pensais être seule dans cette étrange maison.

« Ah… t’as pas encore ‘‘Shifter’’, alors. »

L’Alice blonde m’explique alors ce qu’elle veut dire par « Shifter ». Un phénomène inexpliqué de la mystérieuse maison. Le « Shift » sépare les Alice, les mettant dans leurs propres dimensions, leurs propres espaces, tout en restant prisonnières de la demeure. Elles ne peuvent se croiser que rarement.

« J’ai dû ‘‘Shifter’’ dans ton espace », conclut Alice D.

Je lui dis que je ne comprends pas ce qu’elle vient de m’expliquer.

« T’inquiète. Tu vas t’y faire rapidement. Le ‘‘Shift’’ et la traduction automatique des langues, deux étranges phénomènes. Il y en a d’autres. Par exemple, le jour et la nuit arrivent de manière aléatoire et leur durée n’est jamais la même. Un conseil : reste dans ta chambre ‘‘Alice’’ pendant la nuit. »

Surprise, je lui demande pourquoi. L’Alice russe me dit qu’il se passe des trucs bizarres, la nuit. Il y a des bruits étranges et donc il vaut mieux rester dans sa chambre.

« O…k…, » je lui dis, « euh… Alice ?

— Apelle-moi D. C’est plus simple ainsi. Moi, je vais t’appeler Lorange.

— D’accord. »

L’Alice blonde me parle alors des deux autres Alice. Elles sont Alice Brown [6] et Alice Kurosawa [7]. Brown est américaine, Kurosawa est japonaise. Puis D me demande mon âge. Je lui dis que j’ai 16 ans.

« Pourquoi cette question ? demandé-je à l’Alice russe.

— Pour le savoir. J’ai 14 ans. Brown en a 10. Kurosawa 20. »

Ensuite, Alice D se tourne vers le frigo. Elle me dit qu’elle a faim, plus quelques mots en russe. Soudain, il y eut des étincelles autour de la jeune adolescente aux cheveux blonds et, en un flash de lumière, elle disparait ! Je suis maintenant seule à la cuisine. Elle a dû « Shifter »… Je fais quoi, maintenant ?  Dois-je trouver les autres Alice, si elles sont dans la même dimension que moi ? Bien sûr que si. C’est la logique même. Même si elles sont des Autres. Je pars donc à leur recherche.

Je vais voir au salon. Personne. Au sous-sol. Même chose. Je remonte au rez-de-chaussée, puis des étincelles apparaissent autour de moi. Je vois un flash de lumière et je suis toujours au même endroit. J’ai dû « Shifter »… Je trouve cela flippant. Je monte au premier étage, pour le corridor aux chambres « Alice », puis la porte au cercle brun s’ouvre. Je vois alors une petite fille âgée de 10 ans, à la peau noire, aux longs cheveux bruns et aux yeux noisette. Elle doit être Alice Brown. Brown porte un chandail blanc à manches longues et un pantalon de sports. Je lui dis bonjour.

« Salut ! » me répond la petite fille. « T’es la nouvelle Alice, celle à la chambre orange ?

— Oui.

— Génial ! It’s nice to meet someone new. [8] »

En entendant de l’anglais, je dis un « euh » d’hésitation.

« What is it? [9] Oh, la traduction a encore flanché. C’est fatigant quand cela arrive. »

Je reste silencieuse et Brown me demande si j’ai rencontré Kurosawa. Je lui dis « pas encore ».

« Je l’ai vue entrer dans sa chambre. Libre à toi de cogner à sa porte. »

Ensuite, sans qu’elle le veuille, l’Alice brunette « Shift » à son tour. Je suis seule à nouveau. Bon, je n’ai qu’à cogner à la porte au cercle rouge.

Je vais cogner et une femme de 20 ans, portant un kimono rouge et noir, ouvre la porte. Alice Kurosawa. Ses cheveux noirs sont attachés en un chignon.

« こんにちは。[10]» elle me dit. « Vous êtres la Quatrième Alice. Je suis enchantée de faire votre connaissance.

— La « Quatrième Alice » ?

— Oui, car vous êtes la quatrième à être arrivée dans cette étrange maison. »

Je lui demande alors quelle Alice elle est. La première, deuxième, troisième ?

« Je suis la Première Alice, D est la Deuxième, Brown est la Troisième. »

Je me demande bien pourquoi elle est en kimono, mais je n’ose pas lui poser la question. Kurosawa semble lire dans mes pensées, car elle me répond rapidement.

« Oh, これか [11]?Je l’avais loué pour une occasion spéciale. »

Pour une Autre, elle semble sympathique. Tout comme Brown et D, d’ailleurs. Mais je dois quand même être prudente. Je ne veux pas être « attaquée, blessée » par des mots volatiles.

Je demande ensuite à Kurosawa si elle a déjà essayé de sortir de la maison.

« Oh oui ! J’ai tenté d’ouvrir les fenêtres. Elles refusaient de bouger, alors je me suis dit que je pourrais casser les vitres. Elles sont incassables. J’ai donc passé au plan B : défoncer un mur. Cela s’est soldé par un échec. Heureusement, j’avais un Plan C : détruire le grand cercle magique de la porte d’entrée avec un mélange de sel et d’herbes séchées. Cela n’a pas marché. J’ai tout essayé. Nous sommes prisonnières ! »

Je lui dis que le fait d’être prisonnières est horrible, puis je demande à l’Alice japonaise qui a bien pu nous enfermer dans cette maison.

« Je l’ignore. Nous ne manquons pas d’eau ni de nourriture, car le frigo de la cuisine se remplit toujours, comme par magie. Mais quand même... »

Soudain, tout semble devenir de plus en plus sombre. L’Alice aux cheveux noirs devient tendue. Je lui demande ce qui se passe.

« La nuit arrive. Vite, dans la chambre ! »

Kurosawa s’enferme dans la chambre « Alice » à la porte au cercle rouge. J’ignore où sont les autres Alice. Sans plus attendre, je vais dans ma chambre, celle à la porte au cercle orange. N’ayant rien d’autre à faire, je me couche. Les draps du lit ne sont pas confortables. Malgré tout, j’arrive à m’endormir.


[3] « Oh, hé ! T’es la nouvelle Alice, n’est-ce pas ? »

[4] « Désolée »

[5] « J’aimerais que mon anglais soit meilleur. »

[6] « Brun » en anglais.

[7] Signifie « marais noir ».

[8] « C’est agréable de rencontrer quelqu’un de nouveau. »

[9] « Qui y a-t-il ? »

[10] « Bonjour. »

[11] « Cela ? »

CHAPITRE 5: Autisme ~ Révélations

Je fais un autre rêve étrange. Je me retrouve dans le corridor, mais les portes « Alice » ont disparu. À leurs places, il y a une porte « Émilie », une porte « Emilee », une porte « Emiri » et une porte « Emily ». Il fait jour. Une petite fille blonde, portant une robe noire, sort par la porte « Emily ». Ensuite, une dame rousse, portant une jupe et une chemise blanche, sort par la porte « Émilie ».

« Tout va bien ? demande Émilie à Emily.

— Oui, toi ? »

La femme et la petite fille ne me voient pas. C’est comme si j’étais invisible.

« Oui. » répondit Émilie. « Je n’ai pas vu d’autres Traces la nuit passée.

— Tant mieux ! Elles sont difficiles à semer. Je n’ai pas vu Emilee et Emiri. J’espère qu’elles vont bien.

— Elles ont dû « Shifter ». Cela arrive de plus en plus souvent.

— Si seulement nous pouvions contrôler les « Shift » … Nous serions toujours ensemble !

— Ce serait formidable, mais… »

Soudain, tout devient sombre. Emily dit que la nuit arrive et Émilie dit qu’elles doivent retourner dans leurs chambres tout de suite. La femme et la petite fille vont dans leurs chambres puis tout devient complètement noir. Je ne vois plus rien.

Tout à coup, j’entends une porte s’ouvrir. Je n’arrive pas à voir qui en sort, parmi les Emilie, mais la personne transporte une bougie ayant une flamme verte. Cette personne se déplace lentement vers les escaliers pour le rez-de-chaussée et je la suis. Au rez-de-chaussée, l’étrangère se rend à la cuisine. Soudain, je ressens un gros frisson et la porteuse de la bougie est attaquée par une créature fantôme. Est-ce une Trace ? Sans doute que oui. Je me réveille au même moment.

J’ai appris quatre choses :

  1. Il y avait d’autres prisonnières avant nous, les quatre Alice. Elles doivent être mortes maintenant.
  2. Cette maison est hantée par des créatures fantômes. Leurs noms sont des Traces, j’en suis sûre.
  3. Les Traces ne se manifestent que pendant la nuit et elles ne peuvent pas aller dans les chambres « Alice ».
  4. Si nous pouvions contrôler les « Shift », nous serions toujours réunies.

J’ai hâte de révéler mes découvertes aux autres Alice.

Je sors de la chambre aux murs orange et je me rends à la cuisine. J’ai la surprise de voir D, Brown et Kurosawa ensemble. Elles ne s’entendaient pas sur quoi manger.

« Excusez-moi…, dis-je pour leur parler.

— Oh, bonjour à vous, Lorange. » me répondit Kurosawa. « Comme vous pouvez le voir, nous sommes en plein désagrément.

— Pour une raison stupide ! » s’exclame D. « Nous pouvons très bien manger ce que l’on veut, mais Kurosawa insiste pour que l’on mange la même chose !

— Pas du tout ! » rétorque l’Alice japonaise. « J’ai juste dit qu’il serait plus simple de faire un gros déjeuner pour tout le monde. »

D murmure un « ouais, ouais, c’est ça ». Elle a l’air bien contrariée. Brown dit qu’elle se fiche bien de cette dispute, car elle a faim. Je lui dis que j’ai pas faim, puis je dis aux trois Alice que je dois leur parler de quelque chose d’important. L’Alice russe me demande de quoi il s’agit. Je leur raconte mon rêve étrange, avec les Emilie.

L’Alice blonde dit ensuite qu’elle a aussi fait un rêve bizarre. Dans ce rêve, il y avait quatre Marie - soit Mary, Marie, Mari et Maree - et aucune mention des « Traces ». Après cela, l’Alice brunette prend la parole. Elle dit qu’elle a aussi fait un rêve étrange. Dans son songe, il y avait quatre Layla - soit Laila, Layla, Lailah et Laylah - et l’une d’entre elles est morte après avoir été possédée par quelque chose. Comme Brown s’est réveillée ensuite, elle ne connait pas le destin des trois autres filles.

« Ce sont nos prédécesseurs. » dit Kurosawa tristement. « Elles sont toutes mortes…

— Si nous ne faisons rien, » rétorqué-je « nous allons être les prochaines ! »

Les autres Alice sont d’accord avec moi. Brown demande alors ce qu’elles peuvent faire, puisqu’elles ne peuvent pas sortir de la maison.

« Il faut… » commencé-je, avant de me taire.

Comment arrivé-je à montrer autant de courage, d’émotions et de leadership devant des Autres ? C’est pas logique. Pourtant, je continue de parler.

« Il faut trouver des informations supplémentaires. Le symbole magique de la porte d’entrée doit se détruire d’une façon ou d’une autre et il doit avoir un moyen de contrôler les ‘‘Shift’’. »

D me dit alors que les trois Alice ont déjà regardé partout. Je lui demande si elle est bien sûr de ça.

« Nous sommes ici depuis longtemps. » explique l’Alice japonaise. « Nous avons cherché partout…

— Euh, en fait, non. » l’interrompt Brown. « Personne n’est allé au grenier. »

Tout le monde se tait. Le grenier. Le désordre. La poussière. NOOOOOOOOOOOOOOON ! La petite fille aux cheveux bruns se décide à parler. Elle dit qu’elle ne veut pas aller au grenier. D et Kurosawa, de leur côté, se contentent de hocher la tête en guise d’approbation. Je demande pourquoi au groupe. Après tout, ce sont des Autres. Les Autres peuvent aller où ils veulent sans soucis.

« Parce que… » commence Brown, avant de se taire.

L’Alice russe prend ensuite la parole.

« C’est le désordre là-haut, et il y a le papier. »

Le papier ? Il y a un déclic dans mon esprit. Seraient-elles comme moi ?  Non, c’est impossible !

« Le papier vous dérange-t-il ? demandé-je à D.

— Oui, non… euh… »

Kurosawa dit alors, sèchement, qu’elles ne veulent pas aller au grenier, un point c’est tout.

« Alors… c’est vrai…, dis-je en me rendant à l’évidence.

— What? I don’t understand. [12] Qu’est-ce qui est vrai ? » demande l’Alice américaine.

La traduction automatique des langues continue de flancher de temps en temps.

« Vous êtes… comme moi, expliqué-je aux Alice.

— Что [13]? demande D.

— 私には理解できません。[14], dit Kurosawa.

— Vous n’êtes pas des Autres, dis-je. Vous êtes autistes, comme moi ! »

Brown hésite, puis elle me dit qu’elle est autiste. Elle trouvait cela « évident », comme s’il était possible de le deviner qu’en la regardant. D rétorque en me disant que j’ai tort. Kurosawa allait dire, à son tour, qu’elle n’est pas autiste, mais « normale », quand je hausse le ton. Je crie.

« PAS DE DÉNI AVEC MOI ! »

Je ne m’en suis pas rendu compte. Une grande colère grandit en moi. Je crie de plus belle.

« S’IL Y A UNE CHOSE QUE JE DÉTESTE PLUS QUE LES AUTRES ET L’INCONNU, CE SONT LES MENSONGES ! »

D, voulant que je me calme, me dit de vive voix que, oui, elle est aussi autiste. Kurosawa, en se défendant, dit qu’elle n’est pas une menteuse, ce qui me fait crier davantage.

« ALORS POURQUOI NE VOULEZ-VOUS PAS ALLER AU GRENIER ? »

Kurosawa, en guise de seul argument, dit sèchement qu’elle « a ses raisons ».

« TOUJOURS DES EXCUSES BIDONS. » continué-je de crier. « VOUS IMITEZ BIEN LES AUTRES ! C’EST UNE HONTE TOTALE !»

Soudain, l’Alice japonaise se met à pleurer. Cela fait cesser mes cris. Kurosawa se mit à marmonner des choses. Une « vie de honte », la réputation de sa famille et plusieurs prénoms, sans doute des amies féminines.

Je me sens bien mal de la voir dans cet état. Je veux m’excuser quand Kurosawa m’interrompit.

« Ne vous excusez pas. C’est… C’est ma faute, pas la vôtre. »

La femme aux cheveux noirs se force à cesser de pleurer, comme j’ai moi-même dû le faire de nombreuses fois au cours de ma vie. Quand Kurosawa y parvient, elle dit qu’elle serait prête à aller au grenier.

« Si nous nous pressons, » ajoute-t-elle « tout va bien aller. »

Cependant, D et Brown ne sont pas convaincues. Elles ne veulent toujours pas y aller. Nous prenons le temps de déjeuner dans la salle à manger, même moi qui n’avait pas faim, puis je demande à nouveau l’aide de D et de Brown. L’Alice américaine soupire, puis elle dit « oui, je vais aider ».

« Je n’ai pas trop le choix, n’est-ce pas ? » demande l’Alice blonde, avant de soupirer et de dire « oui ».

Après avoir lavé et rangé la vaisselle, nous montons au premier étage. Nous nous dirigeons vers la trappe du grenier quand tout devient sombre. Kurosawa dit que la nuit va arriver d’une minute à l’autre.

« Dans ce cas, » dis-je « allons dans nos chambres puis ressortons avec les bougies.

— T’es sûr ? » me demande D. « Cela semble risqué, avec les Traces rodant la nuit. »

Je lui rétorque que je ne veux pas attendre. Brown non plus.

« Plus tôt nous aurons fini au grenier, » dit l’Alice américaine « mieux ce sera. »

Nous allons chercher les bougies dans nos chambres. Dès que nous sortons de là, la nuit est arrivée. Tout est noir. Brown dit qu’elle voit à peine devant elle. Normal, car seule la lueur verte des bougies nos éclairent.

« Il est trop tard pour reculer. » dit Kurosawa. « Allons au grenier. »

Nous y allons, en avançant tout doucement, et j’entends des bruits. Des gémissements. Les Traces semblent proches. Les créatures doivent nous observer. D dit de rester sur nos gardes et c’est un excellent conseil.


[12] « Quoi ? Je ne comprends pas. »

[13] « Quoi ? »

[14] « Je ne comprends pas. »

CHAPITRE 6: Grenier ~ Serment de survie

Au grenier, D, Brown, Kurosawa et moi commençons les recherches. Comme nous voyons à peine devant nous, nous ne progressons pas. Soudain, D se met à crier « AÏE ! ». Brown lui demande si tout va bien.

« Oui, » dit l’Alice blonde « mais je me suis encore cognée sur quelque chose !

— Il fait tellement noir. » dit l’Alice aux cheveux noirs. « J’arrive à peine à lire ce qu’il y a d’écrit dans ce livre que j’ai trouvé.

— De quoi parle-t-il ? lui demande Brown.

— Des âmes et d’une ‘‘affinité’’ à un élément de la nature. »

Ensuite, l’Alice aux cheveux bruns me demande si j’ai trouvé quelque chose.

« Non, je… AHHHHHH !

— LORANGE !!! crie D, en panique.

— J’ai touché une toile d’araignée ! » m’exclamé-je. « C’est l’horreur pour ma peau ! »

Tout à coup, j’entends des gémissements à nouveau, ainsi que des « ah, ah ». Les Traces doivent être proches !  Je tente de me rapprocher d’une flamme verte d’une autre Alice quand mon corps est projeté vers le sol. Sans doute par une Trace. Je pousse un cri et je perds connaissance.

Quand j’ouvre les yeux, je ne vois que l’obscurité. J’ai froid et je suis incapable de bouger. Suis-je morte ? Si c’est ça, la vie après la mort, c’est trop nul ! Soudain, une créature fantôme apparait devant moi, mais elle ne tente pas de m’attaquer. Une Trace. Que veut-elle ? La Trace me parle, mais je ne comprends pas son langage, à part les mots « sortie » et « serment ». Dois-je jurer un serment pour sortir… de la maison ? Puis un serment de quoi ? C’est trop bizarre. La Trace me regarde et je sens qu’il ne me reste pas beaucoup de temps pour rester vivante. Bon, qu’ai-je à perdre ?  Entre ça et mourir... Je jure le serment, dans ma tête puisque je ne peux pas parler. Je fais le serment de... je-ne-sais-pas-trop-quoi. Bon. Maintenant, que faire ? La Trace se colle sur moi et elle semble fondre dans ma chair. Cela fait mal. Je hurle dans mon esprit.

J’ouvre à nouveau les yeux. Je suis de retour au grenier. D, Brown et Kurosawa sont là, mais tout est différent. Je parviens à voir tout autour de moi, comme s’il faisait jour, mais la nuit est toujours là. Les trois autres Alice ont une tenue différente. Elles sont toutes en uniforme de magical girl. Ils sont identiques en tout point sauf pour les couleurs. De couleur rouge et blanc pour Kurosawa. Bleu et blanc pour D. Jaune et blanc pour Brown. Cela me fait penser à mon cauchemar avec Mélane. Je portais une tenue verte et blanche, me remémoré-je. Je prends le temps de me regarder et, moi aussi, suis en uniforme de magical girl. En vert et blanc. Incroyable ! C’est exactement la même que dans mon cauchemar avec Mélane. Est-ce censé me rassurer ?

Soudain, j’entends une voix dans sa tête. La voix de la Trace de tout à l’heure, quand j’étais paralysée dans le noir. Ses mots résonnent en moi, tels de faibles échos. Comme j’ai accepté un « serment de survie », je partage mon corps avec la Trace et j’ai accès à des pouvoirs magiques, en me transformant en magical girl. Contrairement aux autres Traces, des créatures nocturnes, prédatrices et dévoreuses d’âme humaines, elle et ses trois amies sont des « anomalies », car elles ont des émotions et elles comprennent le bien et le mal. Comme cette Trace n’a pas de nom, je lui ai donné celui d’Heather, car c’est le premier prénom qui me vient à l’esprit en pensant aux jeux vidéo « Silent Hill » [15]. Heather et ses amies ont tenté d’aider d’autres prisonnières avant nous, mais elles échouaient, car posséder d’autres corps sans serment est fatal pour l’âme de ces mêmes corps. Comme les trois autres Alice et moi avons accepté un serment, ces Traces conscientes peuvent résider dans nos corps sans danger.

Heather m’explique également l’origine des Traces. Elles viennent d’une dimension ténébreuse où cohabitent toutes sortes de créatures du mal. Elles se nourrissent d’âmes humaines en les invoquant dans leur dimension. Seulement voilà, le propriétaire de cette maison, Adélan Alarie, les a invoqués pour ressusciter sa femme, Alya Vaudrot, et ses deux enfants, Amandine et Anicet, qui sont morts lors d’un accident d’avion. Non seulement les Traces n’ont pas ce pouvoir, mais elles en ont profité pour le tuer et envahir sa ville. Avant de mourir, Adélan a scellé sa ville et sa maison dans une autre dimension grâce à un puissant sortilège. Cela a empêché les Traces de dévorer les âmes des habitants des villes voisines, mais cela ne les a pas empêchées d’invoquer d’autres humains pour les tuer. Toujours en groupe de quatre, toujours avec le même prénom. La maison, transformée en un « Domaine » magique, a décidé de ces règles. C’est aussi grâce au « Domaine » que les langues sont traduites automatiquement, que les portes « Alice » sont piégées et que les blessures bandées par les pansements trouvés dans une chambre guérissent rapidement.

Heather m’explique aussi que le symbole magique à l’entrée sert de « protection » contre les Traces étant en ville, mais qu’il n’empêche pas celles déjà dans la maison d’invoquer et de tuer des innocents.

< Une protection pourrie ! > m’exclamé-je mentalement.

< Je te l’accorde, mais mes amies et moi pouvons la détruire. > me répondit Heather.

C’est à ce moment que je compris que Heather et moi pouvons communiquer par la pensée.

< GÉNIAL ! > dis-je, tout heureuse. < Mais, euh, comment est-ce que nous nous comprenons ? Grâce au Domaine ? >

< Non, mais le partage d’un corps veut dire aussi un partage de connaissances. >

< Alors est-ce que je parle votre langue ? >

Heather me dit mentalement que c’est plutôt le contraire. Elle parle ma langue, soit le français québécois.

< Je vois. > dis-je, en profonde réflexion.

Je demande ensuite, à voix haute, si les autres Alice vont bien.

« Oui. Enfin, je crois. » dit D. « Je finissais de discuter avec Rosa. »

Je lui demande qui est Rosa.

« Rosa [16], c’est ma partenaire Trace. Brown a Elise [17] et Kurosawa a Aya [18].

— Tout à fait, dit Kurosawa.

— Vous ont-elles dit que le symbole magique de la porte d’entrée peut être détruit ? demandé-je ensuite.

— Oui. » répondit Brown. « Mais ce n’est qu’une étape avant de pouvoir retourner sur Terre. »

L’Alice blonde dit ensuite qu’il faut détruire des cristaux magiques.

« Ah bon ? C’est tout ? » dis-je, surprise. « Allons-y, alors. »

L’Alice russe se met alors à crier.

« PAS TOUT DE SUITE ! »

J’allais lui demander pourquoi elle crie ainsi quand un groupe de Traces arrivent.

« Faut s’occuper d’elles d’abord ! » s’exclame D. « Электрифицирующая вода ! [19] »

De l’eau électrifiée tombe soudainement sur une Trace. Vaincue, elle disparait.

« À moi ! » dit Brown, en souriant. « POWER OF THE EARTH, GO! [20] »

Une stalactite de terre coupe une Trace en deux. Ses restes se volatilisent.

« À mon tour. » dit Kurosawa. « 荒れ狂う炎 ! [21]»

Une Trace est carbonisée par une grosse flamme et elle disparait.

« Pourquoi les attaques sont-elles dans vos langues ? La traduction automatique détraque-t-elle ? » me demandé-je à voix haute. « Ah, peu importe. BRISE COUPANTE !!! »

Les Traces restantes se font découper en petits morceaux par une forte brise magique.

< Victoire pour nous ! > m’exclamé-je à Heather. < J’ai pratiquement envie de crier « Fatality » [22] même si les Traces ne laissent pas de sang derrière elles ! >

< « Fatality » ? Pourquoi ? >

< Ah, laisse tomber. >

Comment ai-je su que mes pouvoirs magiques sont de l’élément du vent ? Je ne le sais pas. Cela m’est venu tout seul. Selon Heather, c’est dû à l’affinité de mon âme. Le livre qu’avait trouvé Kurosawa était véridique. Les âmes ont des affinités aux éléments de la nature. La mienne est d’affinité vent, alors bien que les Traces aient le contrôle des ténèbres, nous, les Alice, ont l’affinité de nos âmes comme pouvoir magique. Heather m’explique aussi qu’il existe d’autres serments magiques que celui de la survie. Sans plus attendre, D, Brown, Kurosawa et moi descendons au rez-de-chaussée. D’autres Traces tentent de nous tuer, mais nous les massacrons avec notre magie. D’ailleurs, nous n’avons pas « Shifté » depuis que les Traces sont en nous. Nous avons le contrôle maintenant.


[15] Soit le personnage d’Heather Mason dans Silent Hill 3.

[16] D s’est aussi inspiré d’un personnage de jeu vidéo pour nommer sa Trace. Soit Rosa de Final Fantasy IV.

[17] Brown a fait la même chose avec Elise du jeu vidéo Fire Emblem Fates.

[18] Kurosawa également avec Aya Brea, du jeu vidéo Parasite Eve.

[19] « Eau Électrisante ! »

[20] « POUVOIR DE LA TERRE, GO ! »

[21] « Feu Rageant ! »

[22] « Fatalité », une référence aux jeux vidéo Mortal Kombat.

CHAPITRE 7: Quête ~ Destruction des cristaux

Au rez-de-chaussée, nous allons au vestibule pour la porte d’entrée. Je demande à Brown comment se débarrasser du symbole magique, puisqu’Heather m’a uniquement dit qu’elle et ses amies Traces peuvent le détruire.

« C’est vrai, » me répondit l’Alice brunette. « mais nous pouvons le faire pour elles, dû au partage de nos corps. Il suffit de tendre la main vers la porte et de dire ‘‘Seal Release’’ [23]. »

Nous tendons nos mains vers la porte et, dans nos langues respectives, répétons les mots magiques.

« Libération du Sceau !

— Seal Release !

— Освободить печать !

— シールを解除する ! »

Des rayons magiques colorés jaillissent de nos mains et détruisent le symbole magique. Le grand cercle contenant une étoile à six branches, un croissant de lune et un petit soleil au milieu de l’étoile, ainsi que d’autres symboles inconnus, disparaissent. La porte d’entrée s’ouvre et, sans perdre une seconde, nous courons à l’extérieur de la maison.

D, Brown, Kurosawa et moi sommes maintenant dans une grande ville fantôme. Comme il fait toujours nuit, un épais brouillard est présent, et nous sentons que des Traces rôdent. D m’explique que la ville fait aussi partie du « Domaine ». La traduction automatique des langues est toujours en fonction. Brown me dit ensuite que, pour retourner sur Terre, nous devons détruire des cristaux magiques qui sont éparpillés partout en ville. C’est ce que sa Trace, Elise, lui a dit. Kurosawa compte partir de son côté avec Aya quand je lui demande d’attendre.

« Ne vaut-il pas mieux y aller ensemble ? » demandé-je à la femme japonaise. « Rester groupées ?

— Aya pense que cela va attirer les Traces et qu’il vaut mieux être séparées, mais...

— D’accord, je comprends. » répondis-je. « Séparons-nous. »

C’est ainsi que les recherches pour les cristaux à détruire commencent.

♠♣♥♦

Avec l’aide d’Heather, j’évite plusieurs Traces, tout en avançant doucement dans le brouillard, puis j’entre dans une boutique abandonnée.

< Regarde, > dis-je mentalement à Heather. < près de la caisse. >

Près de la caisse se trouve un grand cristal violet. Heather me confirme qu’il s’agit d’un des cristaux magiques à détruire.

< Alors, il y a-t-il une façon particulière de le détruire ? > demandé-je à la Trace.

< Non. N’importe quelle attaque de vent fera l’affaire, à moins que tu préfères que j’exécute une attaque ténébreuse ? >

< En contrôlant mon corps ? Non merci. >

J’inspire un bon coup avant de passer à l’attaque.

« SCIE AÉRIENNE ! »

Une lame de scie ronde, formée de vent coupant, va détruire le cristal en le coupant en deux. Il semblerait que toutes mes attaques soient basées sur deux choses : l’élément du vent et mon imagination.

Tout à coup, je suis téléportée dans une prairie en fleurs. Je demande à Heather ce qui se passe.

< Le cristal avait-il un système de défense ? Pourtant, tu l’as détruit. >

Je lui demande ensuite où je suis.

< Je ne sais pas, mais je sais que ce n’est pas réel. >

< Pas réel ? > dis-je alors. < Comme dans un rêve ? >

< Oui, mais il est possible de mourir. > dit la Trace consciente. < Si cela fait partie d’un système de défense, vaincre le gardien de ce lieu va te libérer. >

Je me dis alors que cela va être facile. Comme dans un jeu vidéo. J’avance de trois pas quand une adolescente rousse apparait devant moi. C’est mon sosie. Mon double est en costumade [24] d’Alice au pays des merveilles. En grande colère, je demande à Heather pourquoi le gardien est un autre moi.

< Peu importe ! > me réplique la Trace. < Elle n’est pas réelle, tue-la ! >

Ses paroles me donnent un choc. L’autre Alice Lorange se met alors à parler, mais sa voix est déformée et démoniaque.

« PouRquoI, PouRquoI, PouRquoI ?

— Pourquoi quoi ? » lui demandé-je.

< Lorange, tu dois la tuer ! >

« PouRquoI leS AutrEs eXistEnt ? »

Les fleurs de la prairie se fanent et la terre devient rouge sang.

« PouRquoI tU exIsteS ? »

La costumade de l’autre Alice Lorange devient couverte de sang et un couteau apparait dans sa main. C’est comme dans mon cauchemar avec Mélane... et ce serait moi, la méchante Mélane. Heather, inquiète pour ma vie, crie mentalement mon nom de famille.

« Si tU n’eXisTeraiS pAs, jE sEraI libRe !!! PluS dE souFFrancEs, pluS dE douLeUrs… »

Tout en hurlant « MEURE, CÂLISSE D’AUTRE ! », mon sosie maléfique veut se jeter sur moi pour me poignarder, mais Heather prend le contrôle de mon corps et m’oblige à l’éviter.

« Tu ne m’as pas laissé d’autres choix ! » dit-elle avec ma voix. « Je ne vais pas rester là, à ne rien faire, et nous condamner à une mort certaine !

— CRÈVE, SALE AUTRE DE TABARNAK !!! hurle mon double démoniaque.

— Oh non, toi, crève ! » rétorque Heather. « ÉTREINTE NOIRE !!! »

Un nuage d’obscurité entoure et étouffe lentement l’autre Alice Lorange. Je regarde, impuissante, alors que mon sosie meurt à petit feu. Ensuite, la prairie disparait, et nous sommes de retour à la boutique.

La Trace me redonne contrôle sur moi-même. Je suis en colère après elle, mais en même temps, Heather m’a sauvé la vie. Elle n’avait pas le droit de faire ça ! Me contrôler… tuée l’autre Alice...

< Euh, je t’entends, tu sais ? >

Mais sinon nous serions mortes, alors... alors... AHHHHHHHHHHHHH ! hurlé-je, confuse. JE NE SAIS PAS COMMENT JE DOIS ME SENTIR !!!

< Alice. Concentre-toi. > me dit Heather. < Il y a d’autres cristaux à détruire. >

< Je sais ! > lui répliqué-je. < J’espère juste ne pas revoir de « gardiens », d’autres moi en versions maléfiques. >

< Je ne pense pas, non. >

Je pars à la recherche d’autres cristaux et j’en détruis plusieurs. Finalement, Heather avait tort. J’ai eu à affronter d’autres « gardiens », et certains étaient très violents avec leurs attaques, mais que fait Alice D pendant ce temps ?

♠♣♥♦

Je suis Alice Demidova. D pour faire simple et court. J’ai trouvé un cristal magique dans un appartement. Rosa me dit mentalement de le détruire sans plus attendre.

< Ne peut-on pas attendre un peu ? > demandé-je. < J’ai pas envie de revoir un gardien tout de suite. >

< Je sais que c’est difficile pour toi, > me dit Rosa. < mais il faut se dépêcher. >

< « Difficile »... facile à dire pour toi. T’as jamais été souillée par un sale mec à l’âge de 10 ans ! >

Pour moi, me revoir à cet âge, si vulnérable, et en version maléfique qui voudrais me tuer avec un couteau à viande, cela me fiche la chair de poule. Ma partenaire Trace dit qu’elle sent que d’autres Traces vont bientôt arriver.

< Et alors ? > rétorqué-je. < Je peux les vaincre, sans soucis ! >

Rosa m’appelle par mon prénom et je soupire.

« D’accord, d’accord, je m’y mets ! острый водяной меч ! [25] »

Une épée d’eau cristallisée apparait dans ma main. Je découpe le cristal en morceaux avec ma lame magique et je me retrouve sur une ruelle enneigée. C’est reparti. Je n’ai pas encore dématérialisé mon épée, car je sais exactement quoi en faire.

Dès que le gardien arrive, une Alice D âgée de 10 ans ayant des bleus au visage et du sang coulant le long de ses jambes, je lui tranche la tête. Cette fois-ci, mon sosie portait des oreilles de chat et elle avait une queue. Un clin d’œil à Alice aux pays des merveilles ?

« Voilà, et fiche-moi la paix ! »

Je me retrouve à nouveau dans l’appartement et je fais disparaitre mon épée d’eau cristallisée. Je demande ensuite à Rosa si elle est contente maintenant.

< Oui. Trouvons un autre cristal. >

Au même moment, d’autres Traces arrivent. Comme prévu…, songé-je. J’utilise l’une de mes attaques défensives, водный туман [26], pour les ralentir, avant de passer à l’offensive avec des flèches d’eau gelée. Que fait Brown pendant que je les combats ?

♠♣♥♦

Je m’appelle Alice Brown. En cet instant, je suis dans une chambre et je me tiens devant un autre gardien. Une version maléfique de moi-même, déguisée en lapin blanc d’Alice aux pays des merveilles. Cette autre Brown me dit qu’elle est triste parce que tout le monde se moque d’elle à l’école. Comme moi. L’autre Brown me dit aussi qu’elle a beaucoup de difficulté à lire. Une autre source de moquerie. Pas comme moi, songé-je. Ensuite, le gardien tente de me tuer avec un pistolet, mais je suis plus rapide.

« O Earth Walls, Protect Me! [27]»

Des murs de roches solides sortent du plancher et encaissent toutes les balles que l’Alice maléfique tire. Je pousse ensuite l’un de ces murs sur le gardien, ce qui l’écrase au mur de la chambre, le transformant en bouillie de chair et de sang.

Je me retrouve ensuite dans une maison abandonnée. Ma Trace, Elise, me dit mentalement que tout va bien, que c’est terminé.

< Je sais. > lui dis-je. < Combien de cristaux dois-je encore détruire ? >

< Il en reste peu. > me rassure Elise. < Je sais que ce n’est pas facile. >

< De devoir tuer une version maléfique de soi-même ? Tu parles ! C’est l’horreur. >

Cela semble tellement vrai, réel. J’ai l’impression de commettre des meurtres sanglants. Tout le contraire d’une mignonne petite magical girl ayant le contrôle de l’élément terre. J’espère de tout cœur que Kurosawa va bien. Que fait l’Alice japonaise pendant ce temps ?

♠♣♥♦

Je me nomme Alice Kurosawa. J’ai trouvé un cristal dans une vieille usine. Ma Trace, Aya, murmure mentalement mon prénom.

< Je sais à quoi m’attendre. > lui dis-je.

À un autre gardien. À d’autres souffrances. Je crée un arc de feu magique et je transperce le cristal avec une flèche enflammée.

Je me retrouve dans une salle du trône et je vois le gardien. Une Kurosawa vêtue comme une reine. Une Kurosawa maléfique qui me dit qu’elle est la reine du pays des Anormaux. Ça me fait penser à une version sombre d’Alice au pays des merveilles. La reine me dit qu’elle est une honte pour sa famille, qu’elle brise leur réputation, que ses amies ne veulent pas d’elle, qu’elle ne pourra jamais se marier, qu’elle est laide, qu’elle devrait carrément se suicider, qu’elle...

« ASSEZ ! » je hurle pour la faire taire.

Ayant toujours mon arc, je l’élimine avec une autre flèche rouge, avant de me retrouver à l’usine. Le cristal n’existe plus. Aya me demande si je vais bien. Je lui dis « oui ». C’était un mensonge.

< Allons-y, Aya. Il y a d’autres cristaux à détruire. >

< Oui, au boulot ! >

J’ai toujours été une très bonne menteuse. Sauf avec Lorange. Avec elle, je ne dois pas mentir. La Quatrième Alice.

♠♣♥♦

C’est moi, Alice Lorange. Quelque temps plus tard, nous sommes à nouveau réunies devant le dernier cristal magique. Heather me crie mentalement de le détruire rapidement avant que des Traces nos attaquent par surprise.

< Je veux bien, mais que va-t-il se passer ? > demandé-je. < Nous allons retourner sur Terre, certes, mais que va-t-il arriver aux Traces ? >

< Elles vont retourner dans leur dimension d’origine et nous aussi. > me répond Heather.

< QUOI ! Pourquoi ? > demandé-je, autant en colère que triste.

< Un serment de survie ne s’applique que pour « la survie », donc vous aider jusqu’à votre retour sur Terre. > explique ma Trace avec regret. < Nous ne pouvons pas rester plus longtemps dans vos corps. >

< Mais ce n’est pas juste ! Ne pouvons-nous pas faire un autre serment, qui vous permettrait de rester ? >

Heather me dit que ce serait possible, mais elles n’ont pas le temps. D’autres Traces arrivent au même moment. Brown et Kurosawa les repoussent avec leurs pouvoirs magiques.

< De toute façon, nous ne pouvons... nous ne voulons pas rester. >

Les paroles d’Heather me font taire. Je vois que D pleure. Brown et Kurosawa ont les larmes aux yeux. Leurs Traces ont dû leur dire la même chose que la mienne.

« Allez, Lorange, » me dit l’Alice russe. « détruis ce maudit cristal…

— QU’ON EN FINISSE ! » termine Brown, tout en continuant le combat contre les Traces maléfiques.

Mais j’hésite. Et si nous allions perdre nos pouvoirs de magical girls ?

« Nous allons peut-être les perdre, » dit Kurosawa. « mais…

— NOS VIES SONT PLUS IMPORTANTES ! » conclut D.

L’Alice blonde va aider la petite fille et la femme japonaise à combattre les Traces. De mon côté, je détruis le dernier cristal et tout devient blanc.

Je me retrouve sur Terre, dans ma chambre, dans mon lit, comme si tout ce qui vient de se passer n’était qu’un simple rêve. Je suis à nouveau en chandail vert à manches longues avec un jean. J’appelle ma mère, Rayelle. Elle me dit que le souper est prêt. Quoi ? me demandé-je, surprise. N’étais-je « partie » à la maison d’Adélan Alarie que depuis une heure ou deux ? Je sens qu’Heather n’est plus en moi. La Trace consciente est partie rejoindre les autres Traces dans leur dimension maléfique. N’ayant aucun moyen de retrouver les autres Alice, à moins qu’elles soient sur les réseaux sociaux, j’espère qu’elles vont bien et que, comme moi, elles sont de retour à leurs maisons.

Avant d’aller souper, il y a une dernière chose que je dois vérifier. Si j’ai toujours mes pouvoirs de magical girl sur le vent. Sans Heather, aucune attaque de type ténèbres n’est possible, car c’est son pouvoir, pas le mien. Je tente alors de me transformer en disant le premier truc qui me vient à l’esprit.

« Par ma volonté, MÉTAMORPHOSE ! »

Mon corps se retrouve entouré de lumière. La lumière explose et mes vêtements ont disparu. Il ne me reste plus que mon soutien-gorge, ma petite culotte et mes bas. Soudain, un haut blanc et vert foncé moulant sans manches apparait, cachant mon soutien-gorge. Ensuite, une mini-jupe vert pâle se matérialise, avec de shorts foncés en dessous, dissimulant ma petite culotte. Après, de courts gants blancs apparurent, cachant mes mains, suivis de petites bottes vertes, couvrant mes bas. Pour finir, un gros ruban vert pâle nait sur ma poitrine, ainsi que de longs rubans minces dans le dos de ma tenue de magical girl. Oh wow !  Malgré le choix « ringard » de mes mots magiques, j’ai encore le pouvoir de me transformer... Je me mets alors à rire, mais d’une façon presque démentielle, car j’imaginais tous les trucs tordus que je pourrais faire subir à Mélane. Sans la tuer, cela va de soi. Quand Shawn, mon père, me demande si tout va bien, je me dé-transforme rapidement. Ma tenue de magical girl est remplacée par mon chandail à manches longues et mon jean. Ensuite, je vais souper. Je boude en voyant mon assiette, car la sauce du steak touche mes légumes et mon riz. Pourtant, Rayelle sait très bien que je déteste quand la sauce touche autre chose que ma viande. Je mange quand même, mais mon cerveau broie du noir.

Le lendemain, je me tiens dans l’un des couloirs de mon école secondaire. J’attends le début de mon prochain cours tout en regardant ma montre. Comme d’habitude. Il y a toujours des bruits, des sons, des étudiants qui jasent entre eux, des élèves qui passent près de moi, mais je les ignore. Mon cerveau crie quand même « danger » et je soupire. Je n’ai pas réussi à trouver les trois Alice sur les réseaux sociaux. Mais je suis sûr qu’elles vont bien. C’est pas le moment de paniquer ! Tout à coup, je la vois. Mélane, en chair et en os. Elle jase avec une autre adolescente. Je suis sûre que Mélane se moque de moi. J’aimerais tellement me transformer et lui donner une bonne rac... ! Soudain, une étrange faille de lumière apparut, interrompant mes pensées. Qu’est-ce que... ? De cette faille sort un monstre, un gros frelon aux yeux verts et brillants. L’adolescente qui est avec Mélane pousse un cri. Mélane prend la poudre d’escampette et d’autres étudiants se mettent à courir dans tous les sens. C’est la panique.

Le frelon, pour l’instant, n’attaque personne, mais je sens que cela ne va pas durée. Je dois me transformer mais, règle 101 des magical girls, ne pas le faire en public. Je vais me cacher dans mon propre casier, ce que c’est serré !, et je me transforme. Dès que je sors de là, je vois le frelon poursuivre Mélane. L’idiote n’avait pas fui très loin. Je soupire de frustration.

« TOI !!! » crié-je à la créature, alors que ma magie du vent se concentre dans mes mains.

Le frelon m’ignore complètement. Cela me met très en colère.

« PRÉPARE-TOI, SALE FRELON ! HAAAAAAAAAAA, EXPLOSION D’AIR !!! »


[23] « Libération du Sceau », comme dit ensuite par Lorange.

[24] La costumade est plus connue sous le nom de « cosplay ».

[25] « Épée d’eau tranchante ! »

[26] « Brouillard d’eau »

[27] « Ô murs de terre, protège-moi ! »

INTERLUDE 1: La Trace consciente ~ Choix

Mon nom, donné par Lorange, est Heather. Dans la dimension ténébreuse où vivent les Traces, avec d’autres créatures du mal, je suis en réflexion. Depuis ma rencontre avec l’Alice rousse, je n’ai pas envie de dévorer des âmes humaines. Pourtant, comme Rosa, Elise et Aya me l’ont dit, je n’ai pas le choix, sinon je vais mourir de faim.

La dimension où je vis a un ciel violet, des forêts d’arbres morts, des grottes ayant des cristaux colorés, un sol constamment rouge, un volcan qui pourrait entrer en éruption à n’importe quel moment, des villages et villes en ruines.

Je me dirige lentement vers une grotte. Je commence à avoir faim. Soudain, j’entends un homme crier. Une autre victime invoquée pour que son âme soit dévorée, me dis-je tristement. Je pourrais tenter de le sauver, mais je sais que c’est une perte de temps. Même si je pouvais partager son corps avec lui, via un serment magique, il n’y a aucune façon de quitter cette dimension, à moins d’être invoqué par une source extérieure. J’ignore les cris de détresse de l’homme puis le silence règne.

Je continue mon chemin et j’entre dans la grotte. Je me déplace parmi les cristaux puis je tombe sur un groupe de Traces non conscientes. Les Traces font une invocation et deux humains apparaissent. Une jeune femme à la peau brune et aux yeux verts avec un petit garçon à la peau rosée et au regard brun. Ils crient en voyant les créatures fantômes. Les Traces, de leur côté, ne perdent pas de temps pour dévorer leurs âmes. Je me contente de regarder alors que les deux corps se décomposent en accéléré. Tout ce qui reste de la femme et de l’enfant est une poussière. Des cendres.

Ma faim devient de plus en plus grande. Je n’ai pas le choix… n’est-ce pas ? admet-je, bien malgré moi. Je m’éloigne des autres Traces et j’invoque un être humain. N’ayant aucun contrôle sur ce qui va apparaitre, j’espère que ce ne sera pas Lorange. Heureusement, il s’agit d’une femme âgée, à la peau métissée. Je veux m’excuser auprès d’elle avant de lui ôter la vie, mais tout ce que la pauvre dame peut entendre est un étrange mélange de gémissements, de sons gutturaux, et des « ah, ah ». Ne pouvant rien dire de plus, et ayant grandement faim, je dévore l’âme de la vieille femme et ma faim est contentée. Pour l’instant.

Ensuite, je pars à la recherche de Rosa, d’Elise et d’Aya pour discuter de tout et de rien. Le temps semble figé en ce lieu, mais il est long pour moi… et pour elles aussi.

CHAPITRE 8: Frelon ~ L’étrange faille

« PRÉPARE-TOI, SALE FRELON ! HAAAAAAAAAAA, EXPLOSION D’AIR !!! »

Un jet d’air compressé et magique jaillit de mes mains. Le gros frelon l’esquive et l’attaque de vent va sur un casier, ce qui le fait exploser, sans toutefois endommager les casiers environnants. Oh oh ! me dis-je, alarmée. Le monstre ne s’intéresse plus à Mélane et il tente de m’attaquer en me piquant avec son dard. Je l’évite de justesse.

« Vent violent, REPOUSSE-LE ! »

Un puissant vent repousse le frelon et l’éloigne de moi.

« Allez, il faut en finir ! SCIE AÉRIENNE ! »

Une lame de scie ronde, formée de vent coupant, se forme et elle se précipite sur la créature volante. Le frelon n’arrive pas à l’éviter et il se fait couper en deux. Son cadavre se volatilise avant d’atteindre le plancher.

L’étrange faille de lumière est toujours là. Je tente de la détruire avec une attaque de vent et la faille s’agrandit. Qu’est-ce que... ? La faille crée alors un puissant courant d’air, tentant de me faire entrer à l’intérieur. Je m’accroche à un casier ouvert pour ne pas m’envoler direct dedans. Contre toute attente, l’adolescente qui était avec Mélane revient et elle tente de me donner un coup de main.

« Prends ma main ! » dit-elle de vive voix.

L’adolescente inconnue se tient sur une autre porte de casier, car, elle aussi, pourrait être aspirée par la faille.

« Je ne peux pas, » lui dis-je « je risque de lâcher prise !

— Si tu peux, allez ! »

J’essaie de lui tendre la main, mais le courant d’air est trop fort.

« Non, partez ! Vous risquez d’être aspirées, vous aussi !

— Non, je ne vais pas t’abandonner, » me réplique l’étudiante. « même si je ne te connais pas ! »

L’inconnue dit ne pas me connaitre. Pourtant, je l’ai vue à maintes reprises dans les jours précédents. Je pense même que nous sommes dans des cours communs. Comment est-ce possible ? Est-ce dû à ma transformation en magical girl ?

« Mais... ! » dis-je, ne comprenant pas pourquoi cette fille veut tellement m’aider. « Vous êtes une Autre et je ne connais même pas votre nom ! »

Le courent d’air devient de plus en plus fort. Je vais lâcher prise d’une seconde à l’autre. L’inconnue se présente. Elle s’appelle Ethel. Ethel Elton. Ce nom me dit quelque chose. N’est-elle pas une amie d’enfance de Mélane ? Ethel allait dire autre chose quand je lâche prise. Je suis aspirée par la faille et Ethel, maintenant seule, crie de terreur.

Je suis éjectée sur de l’herbe. Je me relève et regarde autour de moi. La faille de lumière a disparu et je suis dans un parc futuriste. Les balançoires, toboggans, jeux d’escalade et les tables à pique-nique ont toutes des lumières fluorescentes. Bien qu’il fasse jour, elles sont allumées. Étant toujours transformée, je me demande si je ne devrais pas me cacher pour me dé-transformer quand je remarque qu’un enfant me regarde. Un garçon blond aux yeux verts, ayant au moins 8 ans. Il porte un gilet et un bermuda avec des bandes lumineuses fluorescentes bleues. D’ailleurs, tous les gens que je vois au parc ont tous des vêtements ayant des bandes lumineuses de différentes couleurs et épaisseurs. Je dois avoir l’air bizarre, me dis-je tristement. Je vais dire bonjour à l’enfant blond et il me pose une bien drôle de question.

« Comment as-tu pu sortir de la Faille ?

— Euh… et bien…, commencé-je à dire avant d’être interrompue.

— Seuls des monstres sortent des Failles. Je ne m’attendais pas à devoir affronter une créature Ionasienne. »

Sentant un danger, je lui demande d’attendre et de m’expliquer le sens de ses paroles, mais l’enfant ne m’écoute pas.

« Prépare-toi, CHANGEMENT DE DIMENSION ! »

Tout à coup, le ciel change de couleur, du bleu au vert, et les usagers du parc disparaissent.

« Mais qu’est-ce qui se passe ? demandé-je, pas rassurée du tout.

— MATÉRIALISATION ! » se contente de crier le garçon blond.

Un couteau, qui semble être fait de lumière blanche solidifiée, apparait dans la main du gamin.

« Je suis Alex, chef d’A.L.A.N., Briseur de Failles ! » dit-il d’un ton agressif mais déterminé. « Créature des abîmes, je…

— JE NE SUIS PAS UN MONSTRE ! crié-je en l’interrompant tout en voulant me défendre.

— SILENCE ! » hurle Alex, enragé.

Alex, sans rien dire de plus, se précipite vers moi, bien décidé à me faire la peau avec son couteau magique. Je n’ai pas le choix, Je dois me défendre ! Malgré la situation dangereuse dans laquelle je me trouve, j’ai quand même le temps de me demander mentalement comment vont les trois autres Alice. Alice D, Alice Brown et Alice Kurosawa.

CHAPITRE 9: Défensive ~ Alice contre Alex

Je ne perds pas de temps pour me défendre.

« Vent violent, REPOUSSE-LE ! »

Un vent puissant éloigne Alex, mais il parvient à avancer à contrevent. Il est déterminé... mais je ne vais pas le laisser me tuer !

« Cordes d’émeraudes, VENEZ À MON AIDE ! »

Des cordes verdâtres apparaissent et elles tentent d’attacher le garçon blond. Alex parvient à en couper plusieurs avec son couteau, mais d’autres lui ligotent les jambes. Le fort vent continue de souffler et son corps est repoussé par en arrière, tout en trainant au sol. Malgré la puissance du vent, je l’entends dire une insulte.

« Je vous en prie, arrêtez ! » m’exclamé-je. « Je ne suis pas un monstre, un ennemi ! Je viens... »

Le gamin, tout en criant de colère, parvient à couper les cordes verdâtres qui lui lient les jambes et il tente, à nouveau, d’avancer à contrevent pour m’attaquer.

« Ma planète s’appelle la Terre. » continué-je. « Le nom de la vôtre, c’est quoi ? »

Le vent commence à perdre de la puissance. Cette attaque magique ne peut pas durer éternellement. Alex est de plus en plus près de sa cible. Au désespoir, je lui crie d’arrêter. Le garçon blond est maintenant assez proche de moi pour lancer son arme. L’attaque magique du vent violent cesse et il ne vente plus. Alex s’apprête à lancer son couteau. Pour l’éviter, je me jette à terre. L’arme passe au-dessus de moi. Je me relève rapidement et Alex compte m’attaquer, après avoir re-matérialisé son arme magique dans sa main, quand nous entendons tous deux une voix de fille. Elle crie « ARRÊTE ! ».

Alex se tourne dans la direction de la voix et une petite fille apparait. Elle doit avoir 10 ans, pas plus. L’enfant a de longs cheveux bruns, la peau de la même couleur et les yeux noisette. Cette fille... Elle me fait penser à Alice Brown. La petite fille porte une jupe-salopette et une chemise avec des bandes lumineuses fluorescentes jaunes.

« Lily ! dit Alex en la voyant.

— Cesse le combat ! » lui ordonne Lily. « Ce n’est pas un monstre !

— Mais elle est sortie d’une Faille...

— Charlie a fait une analyse. Cette adolescente n’est pas un monstre, mais une extraterrestre ! »

Alex est tout surpris. Moi aussi, quoi que, comme je suis sur une autre planète, cela fait effectivement de moi une extraterrestre. Je dis à nouveau que ma planète se nomme la Terre. Le garçon blond pense alors que ma présence est le début d’une invasion alien. Je soupire de frustration.

« Non, non, pas du tout ! » m’exclamé-je. « Une Faille - c’est comme ça que vous les appelez ? - est apparue à mon école. Elle m’a aspirée et je me suis retrouvée ici.

— Vraiment ? » demande Alex. « C’est bizarre.

— Trouvez-vous ça bizarre ? » interrogé-je. « N’est-ce pas plus bizarre que je sois devenue une magical girl après m’être retrouvée dans une étrange maison ? »

Lily me demande ce que « magical girl » veut dire. Alex veut en savoir plus sur « l’étrange maison ». Je soupire à nouveau, puis je leur raconte un gros résumé des événements qui se sont déroulés dans la maison d’Adélan Alarie. Quand j’ai terminé, je me dé-transforme. Ma tenue de magical girl est remplacée par mon chandail et mon jean. Alex, de son côté, fait disparaitre son couteau de lumière blanche solidifiée.

« C’est incroyable... » dit Lily. « Lorange, c’est bien ça ?

— Oui, Alice Lorange. »

Alex crie soudainement « RETOUR À LA DIMENSION D’ORIGINE ! » Le ciel redevient bleu et les usagers du parc réapparurent. Je demande ce qui s’est passé exactement. Lily m’explique qu’Alex et elle changent toujours de dimension quand ils doivent combattre des monstres. Elle dit aussi que son nom complet est Lily Ādanyi [28].

« Je suis Alex Barrier. [29] » continue Alex, voulant aussi se présenter. « Lily et moi avons notre propre groupe de Briseurs de Failles, appeler A.L.A.N. J’en suis le chef.

— Oui, avec Aimé Damour et Nana Raimei [30]. » continue d’expliquer Lily. « Notre devoir est de protéger notre ville en combattant les monstres sortant des Failles. »

Je répondis avec un simple « d’accord ». Je ne comprends pas tout, mais je dois savoir où je suis. Je pose la question à Alex. Le garçon blond me dit que je suis à la ville de Xodias, sur la planète Ionas, dans le système planétaire de Tellerise et dans la galaxie d’Udei. Xodias, Ionas, Tellerise, Udei…, dis-je. Quels noms étranges. Quoi qu’Adélan Alarie n’est pas un nom courant non plus.

« Mais tu risques d’attirer l’attention avec des vêtements sans bandes fluorescentes. » dit Lily. « Allons t’acheter d’autres vêtements.

— Oui, » dit Alex « après nous pourrons aller à l’usine. »

Je lui demande de quelle usine il parle. Lily se contente de me dire de les suivre. Les deux enfants se mirent à courir vers la sortie du parc. Même si je suis en plein dans l’Inconnu - sur une autre planète ! - et que j’ai encore des questions sans réponse, je les rattrape et je les suis. Après tout, ce sont peut-être des Autres, mais ce sont mes seuls guides dans cet autre monde.


[28] Mot amharique signifiant « chasseur ».

[29] « Barrière » en anglais.

[30] Mot japonais signifiant « tonnerre ».

CHAPITRE 10: Chik’Mode ~ TMNS = danger ?

Alex et Lily m’amènent devant une boutique de vêtements appelée Chik’Mode. Les deux enfants et moi entrons dans la boutique et une jolie femme blonde nous accueille à l’entrée.

« Bienvenu à Chik’Mode ! » dit-elle d’un ton joyeux.

La voix de la femme semble un peu robotique, selon moi. Ensuite, la dame me regarde d’une façon étrange. J’ai l’impression que ses yeux verts s’illuminent d’une étrange couleur. Un mélange d’orange et de violet. Lily s’adresse à la femme, disant que je suis une touriste de la ville de Nalpha, ce qui est faux. La dame blonde continue de me regarder. La petite fille semble nerveuse, tout à coup. Alex vient à sa rescousse en insistant sur le fait que je suis « qu’une simple touriste qui a besoin de vêtements ». Pourtant, lui aussi, semble bien nerveux. Que se passe-t-il donc ? me demandé-je, inquiète.

Soudain, la femme se met à parler.

« TMNS détecter. »

Sa voix n’a plus rien d’humain. J’ai l’impression d’entendre un message préenregistré par une machine. Cette femme… est-ce un robot ?  Comment est-ce possible ? Elle ressemble tellement à un être huma… Ionasien. La femme-robot continue de parler. Elle dit que les autorités - la police ? - vont être alertées. Alex crie un « NON » de colère. Ne comprenant pas la situation, je me contente de dire « pourquoi ? ». Quant à Lily, elle dit à l’androïde qu’elle fait erreur.

« Cette femme n’est pas TMNS, c’est une touriste ! » insiste la petite fille.

L’automate ne veut rien entendre.

« Veuillez rester jusqu’à l’arrivée des... »

Puis les yeux de l’androïde ne s’illuminent plus. Ils passent du vert au violet.

« Bienvenu à Chik’Mode ! » dit-elle d’un ton joyeux. « Comment puis-je vous aider aujourd’hui ? »

Malgré ce revirement de situation, Alex et Lily sont toujours nerveux. Lily me murmure que la femme-robot a été piratée, mais elle ignore par qui.

En hésitant un peu, je dis que j’ai besoin de vêtements en coton.

« Tous nos vêtements sont en raythanester.

— En quoi ? demandé-je à l’automate.

— En raythanester. Il est utilisé sur tout vêtement depuis des siècles. »

Cela doit être une fusion entre la rayonne, l’élasthane et le polyester. Toutes des fibres que je ne peux pas porter, avec ma peau sensible qui « brûle ». Bon, j’arrive à endurer des jeans qui ont du coton et du polyester, mais c’est une exception, comme pour les soutiens-gorge en nylon. Le reste de temps, c’est 100% coton.

« N’avez-vous vraiment rien en coton ? demandé-je.

— Le coton n’est plus utilisé dans la fabrication de vêtements depuis… »

Je soupire. Ce que c’est frustrant !  Alex me demande ce qui ne va pas. Il ne comprend pas pourquoi j’insiste autant pour du coton.

« Peut-être a-t-elle une allergie au raythanester ? » demande Lily à voix haute.

Puis elle murmure à Alex « n’oublie pas qu’elle est une alien ! ». Je soupire à nouveau, avant de demander s’il est possible d’ajouter des bandes lumineuses fluorescentes sur ce que je porte. Cela règlerait le problème ! La femme-robot me dit que oui, mais il faudrait alors passer une commande pour du « sur mesure ». Seuls les gens fortunés et les célébrités y ont droit. Lily sourit alors. Elle sort une carte dorée d’une poche de sa jupe-salopette.

« Cela est-il suffisant ? demande-t-elle à l’androïde.

— Bien entendu. »

La machine à l’apparence Ionasienne liste alors tous les types de bandes lumineuses disponibles sur le marché. Toutes les couleurs et épaisseurs. Je ne sais pas quoi choisir. Il y a tellement de couleurs. Alex me propose du vert.

« Je veux bien, mais quel vert ? Vert amande, vert absinthe, vert anis, vert citron, vert kaki, vert prairie, vert sapin… ? »

Alex me répond avec vert d’émeraude et j’accepte cette couleur. Lily passe alors la commande avec paiement sur livraison à domicile. Elle donne son adresse à la femme-robot.

« Bien. Commande passée. » dit l’androïde. « Merci d’avoir fait affaire avec Chik’Mode ! Au plaisir de vous revoir ! »

Alex, Lily et moi quittons la boutique et nous marchons dans des rues désertes pour éviter des gens qui se promènent. Le garçon aux cheveux blonds dit que nous l’avons échappé belle. Il dit aussi à Lily que c’était une bonne idée, de payer sur livraison.

« Je n’allais pas donner ma carte à un pirate de robots! s’exclame la petite fille.

— Oui, » dis-je, « mais maintenant il ou elle a ton adresse.

— Ce n’est pas grave. Ma famille est connue publiquement.

— Quand même... » songe Alex. « Pourquoi t’a-t-elle détecté comme étant TMNS ?»

Je lui dis que je ne sais même pas ce que cela veut dire. Lily m’explique que cela veut dire « Trouble Mental Non Spécifié » et que ce n’est pas un bon signe. Je demande pourquoi.

« Notre ville... non, notre monde... est fou. »

Lily m’explique également que, sur la planète Ionas, une personne peut être gay, lesbienne ou pansexuelle. Personne ne va lui causer des ennuis. Cependant, si cette personne est transgenre, elle n’a pas le droit de changer de sexe via chirurgie. Ceux qui le font de manière illicite risquent la prison à vie.

Si une personne a un trouble mental, diagnostiqué à la naissance, elle doit passer sa vie entière sur des médicaments et en rencontre avec une IA psychologue. Elle est aussi tout le temps surveillée. Si cette personne est considérée comme étant une « menace », elle est soit automatiquement mise à mort, ou bien internée dans une prison avec d’autres malades mentaux.

« Les TMNS sont des gens que le système ne parvient pas à diagnostiquer ou qui sont passé ‘‘entre les mailles du filet’’. » dit Alex. « Tu vas devoir rester caché, Alice. »

Je trouve cela injuste.

« Comment vais-je pouvoir retourner sur Terre si je reste toujours cachée ? » demandé-je au garçon.

Alex dit qu’il ne le sait pas, mais que Charlie va pouvoir nous aider. Pour cela, nous devons aller à l’usine. Sans rien dire de plus, les deux enfants m’amènent à l’usine en question. Elle est vieille et abandonnée depuis bien longtemps.

CHAPITRE 11: Usine ~ Charlie, Nana et Aimé

Nous entrons dans l’usine. Je ne vois rien d’extraordinaire. Des écrans éteints, une chaine de montage arrêtée, beaucoup de poussière, des boites un peu partout. Mon cerveau veut crier « danger, danger, danger ! ». Allez, Alice, ne panique pas !  Je déteste - pour ne pas carrément dire « pas endurer » - la poussière et le désordre.

Alex et Lily se dirigent vers un ascenseur futuriste de couleur noire. Je les suis. L’ascenseur semble hors d’usage, mais Lily met son doigt sur un petit carré gris et une image digitale est projetée. Sur l’image, il y a un pavé numérique. La petite fille entre un code, la porte de l’ascenseur s’ouvre et l’image digitale disparait. Les deux enfants vont dans l’ascenseur. Quant à moi, je reste sur place. Alex me demande ce qui ne va pas et je reste silencieuse. Lily me demande alors si j’ai peur des ascenseurs.

« Non, pas du tout ! » répliqué-je, un peu offensée. « C’est juste que… »

J’ignore comment leur expliquer qu’en ce moment je suis un peu nerveuse, que j’ai « peur » de l’Inconnu, et que cet ascenseur futuriste me met mal à l’aise. Au lieu de trouver les mots pour leurs expliquer mon « état mental », je demande aux deux enfants où ils vont aller avec cet ascenseur.

« Au sous-sol. » répondit Lily. « Là où se trouve Charlie, et peut-être Nana et Aimé. »

Sa réponse ne me rassure pas, mais je les rejoins malgré tout. Les portes de l’ascenseur se ferment et nous descendons au sous-sol.

Là, je quitte l’ascenseur. Je suis Alex et Lily dans un petit corridor et nous arrivons dans une énorme pièce. Dans un coin, il y a des lits de camp. Dans un autre coin, une petite cantine improvisée. Un espace avec des tapis bleus de gym et un autre espace rempli d’écrans d’ordinateur allumés. Près des écrans se trouve un homme roux dans la trentaine et habillé en noir. Il a une étrange visière sur ses yeux pers et il semble regarder le plafond.

Alex et Lily vont le voir. Je les suis toujours et je me sens moins nerveuse, tout à coup.

« Charlie ? demande Alex.

— Il est dans la réalité virtuelle. » dit Lily. « Aucune chance qu’il t’entende.

— Tu disais ? »

L’homme, Charlie, a parlé. Alex lui dit qu’il a quelqu’un à lui présenter. Charlie ôte sa visière, cligne des yeux, et il se tourne vers le garçon blond.

« L’extraterrestre ? Je sais. » dit-il, d’un ton sérieux. « Je savais que tu viendrais. C’était la chose logique à faire, après tout. »

Je veux lui parler, mais tout ce que j’arrive à dire, c’est un « euh ».

« C'est embarrassant… Je suis Charlie Toujours. Enchanté.»

En l’entendant, je me retiens de rire aux éclats. « Toujours ». Quel drôle de nom de famille. Cela me fait penser à des serviettes hygiéniques [31].

« Bonjour. Je suis Alice. Alice Lorange. Euh, ‘‘embarrassant’’ ?»

— Oui, je veux dire… il y a une fille venant d’une autre planète devant moi ! Comment suis-je censé me comporter ? »

Je ne sais pas quoi lui répondre. Charlie me demande si Alex et Lily m’ont parlé de ce qu’ils font. Alex dit qu’ils ne m’ont pas dit grand-chose.

« En passant, est-ce toi qui as piraté la femme-robot chez Chik’Mode ? » demande Lily à Charlie.

L’homme lui dit « non ». Il demande à la petite fille ce qui s’est passé. Lily lui résume les événements.

« Je vois. Ne t’inquiète pas. » dit Charlie. « C’est peut-être un coup d’un de mes potes hackeurs. Je vais m’assurer que ta commande arrive chez toi. »

Lily le remercie. Après tout, j’ai vraiment besoin des bandes lumineuses. Malgré tout, je demande si c’est toujours nécessaire, si je dois rester cachée.

« Vous êtes dans une situation particulière. Non seulement vous venez d’un autre monde, mais vous être considéré TMNS. » explique Charlie. « Pour votre survie, vous devez faire profil bas. En même temps, vous ne pouvez pas rester enfermée éternellement. »

Alex est songeur puis il a une idée.

« Et si elle restait dans ton appartement ? Tes voisins ont toujours été discrets.

— C’est parce que nous sommes tous des hors-la-loi. »

En entendant Charlie, et l’idée que l’homme roux fait fi des lois, la colère monte en moi, mais je dois rester calme. Ce n’est pas parce que ma pensée autistique m’empêche de briser les règles que d’autres n’ont pas le droit de s’y risquer. De toute façon, Charlie est un Autre. Pour eux, c’est facile de ne pas se préoccuper des règles et des lois. Charlie dit ensuite que je peux rester chez lui. Quand les bandes lumineuses seront arrivées, je pourrais alors sortir, mais discrètement.

« Alex ou Lily peut vous amener là-bas. » conclut-il.

J’acquiesce sans rien dire, puis nous entendons une voix de fille appeler Lily.

« Salut Nana ! » dit la petite fille à l’autre gamine.

Une petite fille, du même âge que Lily, soit une bonne dizaine d’années, nous rejoint. Nana a de longs cheveux noirs, de petits yeux de la même couleur, et une peau cuivrée avec une légère teinte de jaune. Selon moi, elle ressemble un peu à Alice Kurosawa. Elle porte un gilet et des pantalons avec des bandes lumineuses fluorescentes rouges.

Nana est accompagnée d’un garçon aux cheveux roux et aux yeux bleus. Il doit avoir 12 ans. Il porte, lui aussi, un gilet et des pantalons, mais ses bandes lumineuses fluorescentes sont noires, ce qui me donne l’impression qu’elles sont éteintes. Ses cheveux sont attachés en une queue de cheval. Il porte de grands écouteurs avec des lumières DEL, qui me font penser à des coquilles de protection. Alex appelle le garçon Aimé.

« Salut à tous, dit Aimé.

— Alex, Lily, Charlie... et c’est qui, cette rouquine ? demande Nana.

— Voici Alice Lorange. » dit Charlie. « Elle vient d’une autre planète.

— Ouais. Une Faille l’a amené ici, explique Alex.

— Hein ? C’est une blague, n’est-ce pas ? dit Nana, surprise.

— Non. » explique Lily « Elle va devoir rester cacher chez Charlie, car elle est considérée TMNS. »

Aimé dit alors que ce n’est pas de chance. Il se présente. Aimé Damour, un membre d’A.L.A.N. Nana se présente à son tour. Nom complet Nana Raimei. Aussi avec A.L.A.N. Nana trouve cela « trop cool » de dialoguer avec une extraterrestre et je ne peux pas m’empêcher de soupirer. Alex, Lily, Aimé, Nana et Charlie n’ont pas l’air d’aliens à mes yeux.

« Il est vrai que je pensais à quelque chose de plus… ‘‘spécial’’ comme alien. » dit Aimé. « Bref, savez-vous tout sur nous ?

— Non. » dis-je tristement. « Il y a tellement de choses que je ne comprends pas... et je veux rentrer chez moi.

— Je vais chercher pour une solution. » ajoute Charlie. « Les Failles doivent être la clé. En attendant...

— Je sais. » dis-je. « Je dois rester cachée.

— Mais je suis sûr qu’avec ses pouvoirs elle pourrait nous aider à combattre les monstres ! » exclame Alex.

Nana lui demande ce qu’il veut dire par là. Le garçon blond lui raconte son combat avec moi et j’en profite pour poser des questions. J’apprends alors que la ville de Xodias est victime du paranormal depuis « l’incident d’Alan ».

Il y a 500 ans, un certain Alan avait ouvert l’accès à d’autres dimensions, ce qui a créé les « Failles », des fissures de lumières. De ces Failles sortent des monstres et ils attaquent tout ce qui bouge. Seuls les Briseurs de Failles - diminutif BF -, des enfants choisis à chaque génération, peuvent les voir, les combattre et détruire les Failles. Ils ont aussi des pouvoirs surnaturels.

En grandissant, les BF perdent leurs pouvoirs. Alan est l’exception à cette règle. Il était le tout premier Briseur de Failles et c’était un adulte. Le groupe d’Alex s’appelle « A.L.A.N. » en son honneur.

« Bien que ce soit lui le responsable de tout ce merdier.

— Aimé ! s’exclame Lily, fâchée de son langage grossier.

— Mais c’est vrai ! Combien d’autres BF sont tombés au combat ?

— Beaucoup trop. » répondit Charlie.

Un long silence plane et j’hésite beaucoup à le briser. Malgré tout, je me lance.

« Euh… est-ce que… votre gouvernement… ou les personnes au pouvoir sont au courant pour les BF ? »

— Non, et c’est mieux ainsi. » explique Charlie. « Il y a déjà assez de criminalité un peu partout depuis des années. Si, en plus, les forces de l’ordre tentaient de contrôler les Briseurs de Failles, ce serait une catastrophe. Il suffit de voir le destin des TMNS. »

Alex et ses amis restent silencieux. J’en déduis que Charlie avait été un BF dans sa jeunesse et qu’il a dû voir des amis mourir lors de ses combats contre les monstres.

« Mais passons à quelque chose de plus joyeux. » dit l’homme aux cheveux roux. « J’ai accès à vos notes d’écoles !»

Alex et Aimé trouvent cela cool. Nana demande si elle peut voir les siennes.

« Non, c’est de la triche ! dit Lily, en colère.

— Je ne vais pas les changer ! » réplique Charlie « Tu me prends pour qui ?

— Pour un hackeur, un ancien Briseur de Failles et notre mentor. »

Les paroles de Lily font rigoler Charlie.

« C’est vrai. James m’a toujours dit que je serai un bon mentor. »

J’appris par Alex que James est son grand frère. De la génération de Charlie, seuls le hacker et lui ont survécu. Alex, Lily, Aimé et Nana sont les seuls BF de la plus récente génération.

« Oui, nous étions sept... » dit Charlie tristement « Mais c’est du passé. Regardons ces notes ! »

Pendant qu’il affiche les notes sur un écran d’ordinateur holographique, je vais voir la cantine improvisée. Elle a des plats à réchauffer et de la nourriture en conserve. Rien de bien différent que sur la Terre.

Quand je reviens près du groupe, Lily et Aimé sont tout contents. Leurs notes scolaires sont excellentes. Alex et Nana, d’autre part, sont boudeurs. Leurs notes sont pathétiques. Nana dit que ce n’est pas juste. Lily insiste sur le fait qu’elle n’étudie pas assez.

« J’aime mieux affronter les monstres et protéger ma ville que de perdre des heures à étudier comme toi, Miss Je-Sais-Tout ! lance Nana à Lily.

— TOI ! ESPÈCE DE C… !

— Ne nous disputons pas ! » dit Alex. « Ça n’en vaut pas la peine.

— Mais tu dois être de mon côté ! » rétorque Nana. « Nous passons tout notre temps libre à combattre alors qu’eux, ils sont dans les HoloDevoirs et les HoloÉtudes ! »

Je saisis alors que beaucoup de leurs technologies sont basées sur des hologrammes, sans compter les lumières fluorescentes et les intelligences artificielles.

« Ne dis pas de bêtises ! » dit Aimé, se mêlant de la dispute. « Je combats et détruis des Failles autant que toi !

— Allons, assez de chamaillage. » dit Charlie pour faire cesser la chicane. « L’un d’entre vous doit accompagner Alice à mon appartement. »

Alex dit alors qu’il pensait que c’était lui ou Lily qui devait s’en charger. Aimé se propose et j’accepte qu’il m’accompagne à l’appartement. Je dis au revoir au reste du groupe et Aimé se rend rapidement à l’ascenseur. Je le rejoins, nous remontons au rez-de-chaussée et nous quittons l’usine.

Aimé me fait prendre bien des ruelles désertes et des détours pour éviter de me faire remarquer puis nous arrivons devant un immeuble d’habitation en piteux état. Je lui demande si Charlie habite bel et bien ici.

« Oui. C’est un vieil immeuble, pas très entretenu, mais son appartement est bien. C’est le 204. Viens. »

Aimé entre dans l’immeuble et je le suis. Nous prenons des escaliers, car l’ascenseur est en panne, et nous arrivons devant l’appartement 204. Je demande à l’enfant comment faire pour entrer, car je ne vois pas de poignée de porte. Cependant, la porte à une petite tuile blanche.

« C’est tout bête. Il suffit de prendre... une seconde. »

Aimé glisse ses doigts sur le côté gauche de la porte et un petit crochet en sort. Je trouve qu’il ressemble à un crochet de serrure. Le gamin le prend et il le passe sur la tuile blanche. La tuile devient noire et la porte s’ouvre. Je trouve cela impressionnant.

« C’est de la vieille technologie. Peu utilisée de nos jours. »

Aimé entre dans l’appartement et je le rejoins. La porte se referme derrière nous. La tuile, de notre côté, est à nouveau blanche. Aimé va entrer le crochet dans le côté droit de la porte puis il me demande s’il doit me faire visiter les lieux.

« Non, je... je pense pouvoir me débrouiller.

— D’accord. Si jamais tu as besoin de quelque chose, demande à Martia de contacter Charlie. »

J’ai pas eu le temps de lui demander qui est Martia que l’enfant se dépêche de partir, me laissant seule dans l’appartement. J’inspire un bon coup. Allez, Alice, c’est comme chez Adélan Alarie. Explore le tout !


[31] Soit la marque Always, dont le nom, en français, se traduit par « Toujours ».

CHAPITRE 12: Commande vocale ~ Alice et Martia

J’explore l’appartement de Charlie. Il y a une petite cuisine, un salon, une pièce remplie d’écrans d’ordinateur, une salle de bain et une chambre. Dans la chambre, je tombe sur une femme-robot. Contrairement à l’androïde de Chik’Mode, que je peux facilement confondre avec une Ionasienne, cet automate féminin me fait penser à une poupée de plastique. Le robot a les cheveux d’un rouge non naturel et ses yeux verts semblent éteints. Serait-ce cette Martia dont m’a parlé Aimé ? Elle doit être débranchée. Je regarde partout, mais je ne trouve pas de fils pour la brancher. Bon ce n’est pas trop grave.  Il y a de la nourriture en conserve, si jamais j’ai faim. Maintenant, comment passer le temps ?

Faire du ménage ? Non, tout est assez propre.

Regarder la télévision ? Il y en a une, mais je ne sais pas comment l’ouvrir. Il n’y a pas de bouton ni de télécommande.

Dormir ? Pourquoi pas ? Entre ça et ne rien faire.

N’ayant pas de pyjama, et ne voulant pas fouiner dans les vêtements de Charlie, je me résigne à me coucher avec mes propres vêtements. Je ne sais pas de quel tissu sont faits les draps du lit, mais ma peau pique un peu. Je soupire puis je tente de dormir.

Le jour suivant, je suis visitée par Lily. Les bandes lumineuses sont arrivées. Je trouve cela génial, mais comment les mettre sur mes vêtements ?

« Normalement, elles sont cousues avec un procédé spécial, mais celles-ci peuvent se coller. Enfin, je crois. » dit Lily. « Le plus simple serait de te déshabiller. »

— Euh, ok, mais… » dis-je. « Je me demandais… comment lave-t-on nos vêtements ? Je voudrais bien les laver aujourd’hui. Et aussi me laver.

— T’as pas vu le système de nettoyage des vêtements ? C’est près de la cuisine. »

Je dis à Lily que « non ». J’ai bien vu un bain-douche, à la salle de bains, mais impossible de m’en servir. Je dis à la petite fille qu’il n’y a pas de robinets. Lily ignore de quoi je parle, mais elle m’amène près d’un meuble mural, composé d’étagères fermées par un panneau de verre. L’enfant m’explique que j’ai qu’à mettre mes vêtements sales dedans, d’activer la commande vocale et, au bout du dix minutes, ils sont nettoyés et séchés.

« C’est pareil pour la douche. » explique Lily. « Tu demandes en commande vocale de l’eau tiède, un jet de savon pour le corps ou les cheveux, pendant tant de minutes, et tu peux te laver. »

Je n’avais jamais pensé à utiliser ma voix pour faire fonctionner des choses dans cet appart. Je suppose que la télévision, sans doute holographique, marche aussi de la même façon.

Ensuite, je demande à la petite fille si elle peut s’occuper de mes vêtements pendant que je vais dans la douche.

« Bien entendu. »

Pendant que je me lave - ça fait bizarre de voir la douche fonctionner par ma voix - Lily utilise le système de nettoyage pour rendre mon chandail vert à manches longues et mon jean propre. Puis elle met les bandes lumineuses fluorescentes vertes d’émeraude sur le tout. Je compte la rejoindre, mais je suis toute mouillée. J’ai pu trouver une serviette, mais comment sécher mes cheveux ? J’appelle Lily en renfort.

« Oui, Alice ? Tes vêtements sont prêts.

— C’est bien, mais je ne sais pas comment sécher mes cheveux.

— Reste sur le tapis, près du bain, et dis ‘‘séchage’’.

— Sé…séchage… ? AHHHHHHHHH ! »

Un courant d’air chaud est passé sur moi, ma peau est « en feu » et je suis sec de partout. Lily me demande si tout va bien.

« Oui, non ! Euh. Pourrais-je avoir mes vêtements ? »

Après les avoir récupérés, je m’habille rapidement - pour faire disparaitre cette sensation de « brûlure » - et je sors de la salle de bain.

Lily me dit ensuite qu’elle doit partir maintenant, si elle ne veut pas manquer trop de cours à l’école. Je la remercie pour son aide et je lui dis au revoir. Après le départ de l’enfant, je vais grignoter à la cuisine, puis je retourne dans la chambre. La femme-robot n’a pas bougé depuis hier. S’il faut utiliser une commande vocale...

« Martia ? »

Il ne se passe rien.

« Activation Martia ? »

Ses yeux verts s’allument.

« Martia version 3.02 en éveil. »

L’androïde bouge doucement de la tête, comme pour se concentrer sur moi.

« Bonjour Charlotte. Il fait beau aujourd’hui. »

Charlotte ? Pourquoi m’appelle-t-elle Charlotte ?

« Euh, bonjour ? dis-je avec un peu d’hésitation.

— Nous sommes à notre 687e séance de bienêtre et restructuration de l’identité. » dit Martia. « Alors, veux-tu me parler de ta journée? »

Je lui demande qui est Charlotte. Martia dit que c’est une bonne blague et que Charlotte, c’est moi. Je veux répliquer, mais Martia me fait taire rapidement.

« Si tu continues avec ces absurdités, je vais devoir ajouter ‘‘dédoublement de la personnalité’’ à ton dossier. Maintenant, parle-moi de ta journée. »

Je soupire. Elle doit avoir un bogue ou peut-être a-elle été modifiée illégalement. Je vais quand même continuer de lui parler.

« Bien sûr. Lily est venue me visiter.

— Ah oui, ta camarade. Avez-vous discuté de choses intéressantes ?

— Euh... oui ?

— Tu ne sembles pas très ouverte aujourd’hui, Charlotte. Je suis là pour t’aider.

— Mais m’aider à quoi ? Quel est le... mon problème ?

— Tu le sais très bien. Tu es une fille, Charlotte. Une fille, pas un garçon. »

Je n’en reviens pas. Martia continue de parler.

« Tu souviens-tu de notre première rencontre ? Tu me disais que le monde était fou, que tu voulais être un garçon et que tu détestais ton prénom. Tu as beaucoup évolué depuis, mais nous avons encore beaucoup de travail à faire. »

Cette Charlotte... serait-ce... ?

« Charlie ? demandé-je au robot.

— Veux-tu que je communique avec lui ?

— Non. Je veux savoir si Charlie était Charlotte.

— Je suis désolée. Je ne comprends pas ta requête. »

Puis Martia continue de me parler des rencontres entre elle et « moi » (plutôt Charlotte) pour « restructurer » son identité. Selon elle, Charlotte a un grave problème et elle doit être soignée rapidement. Cela me met hors de moi. Mon cerveau fume de colère.

« Vous êtes pire que tous les Autres réunis ! Je vous DÉTESTE !!!

— Charlotte. Ce n’est pas une bonne attitude à avoir. Je veux t’aid…

— ASSEZ ! Désactivation Martia ! »

Les yeux verts de Martia s’éteignent et sa tête se penche vers l’avant. Je hurle de rage et, voulant prendre l’air, je quitte l’appartement pour me balader en ville. Après tout, j’ai qu’à être discrète.

CHAPITRE 13: Police ~ Faille et combat

Je marche dans plusieurs petites rues, tout en évitant les grosses foules. Ah ! Cela me fait du bien ! Mais... Ma tête commence à devenir lourde. Comment vais-je retourner à l’appartement ? Je regarde autour de moi et je reconnais rien. Non, non, non ! Une douleur veut s’installer dans ma tête. Ne panique pas, Alice ! T’as qu’à faire demi-tour ! Je marche donc dans la direction opposée, mais je ne sais toujours pas où aller. Alors que ma tête veut exploser de douleur, et que je veux hurler de détresse, j’entends une femme appeler au secours.

Je dois l’aider. Après tout, je suis une magical girl désormais, et les magical girls doivent aider les gens, aider les Autres. Sans penser aux risques, je me transforme.

« HENSHIN, [32] YAAAAAAAAAAAAAAAAA ! »

Mon corps se retrouve entouré de lumière. La lumière explose et mes vêtements ont disparu. Il ne me reste plus que mon soutien-gorge, ma petite culotte et mes bas. Soudain, un haut blanc et vert foncé moulant sans manches apparait, cachant mon soutien-gorge. Ensuite, une mini-jupe vert pâle se matérialise, avec de shorts foncés en dessous, dissimulant ma petite culotte. Après, de courts gants blancs apparurent, cachant mes mains, suivis de petites bottes vertes, couvrant mes bas. Pour finir, un gros ruban vert pâle nait sur ma poitrine, ainsi que de longs rubans minces dans le dos de ma tenue de magical girl. Ensuite, je vais trouver la femme. C’est une brunette aux yeux de la même couleur. Un homme aux cheveux noirs, armé d’un couteau émettant une étrange lumière, sans doute un voleur, un agresseur sexuel, ou pire, les deux, s’apprête à l’attaquer.

« NOOOOOOOOOOON ! » crie-je.

Mes mains se concentrent de ma magie du vent.

« Cordes d’émeraudes, VENEZ À MON AIDE ! »

Des cordes verdâtres apparaissent et elles ligotent l’homme. Il pousse un juron et il tente de se libérer, en vain. Je demande à la femme si elle va bien.

« Oui, mais comment avez-vous fait ça ? On dirait de la magie.

— Euh, et bien…

— Qu’importe. La police va bientôt arriver pour s’occuper de lui. »

En entendant le mot « police », je sursaute. Si je me fais arrêter, ça va être une catastrophe ! Je ne veux pas être internée ou, pire, tuée ! La dame brunette me demande si je vais bien. Je l’ignore, je me mets à courir le plus loin possible, puis je me dé-transforme. Ma tenue de magical girl est remplacée par mon chandail à manches longues et mon jean.

Je pensais être hors de danger quand je vois une policière aux cheveux noirs au loin. La policière m’interpelle. Je fais mieux d’aller la voir. Si je reste calme et ne me fais pas remarquer, rien ne va m’arriver ! Tout en prenant un air décontracté, je vais la rejoindre et je lui dis bonjour.

« Salutation, citoyenne. C’est une belle journée, ne trouvez-vous pas?

— Oui. »

Sa voix est froide et distante. Presque comme un robot, alors qu’elle est bel et bien humaine ou plutôt une Ionasienne. Ça me fait flipper.

« Maintenir l’ordre est important pour que notre ville prospère. Dommage que tous ces Anormaux gâchent tout.

— Vous parlez des criminels…

— Oui et de tous ces TMNS. Vous ne pouvez pas savoir combien ont été internés et éliminés cette année. »

Je reste silencieuse. Je ne dois pas attirer l’attention !

« C’est une vraie éclosion ! Il y en a de plus en plus. Je pense que le gouvernement va réviser ses lois et son système de santé pour les troubles mentaux. »

Je reste toujours silencieuse. Ne dis rien. Laisse-la parler.

« J’ai même entendu parler d’une prime pour les policiers qui arrêtent des TMNS en grand nombre. »

Je me retiens de hurler de colère.

« Mais je dois vous ennuyer avec tout ça.

— Non, non ! C’est… fascinant… mais je dois y aller. J’ai, euh, un rendez-vous important et je ne veux pas être en retard. »

J’ai menti. Moi, qui déteste les mensonges. Qui a de la difficulté à mentir. Pour ma survie, je l’ai fait. J’ai menti à la policière.

« Bien sûr. Bonne journée, citoyenne.

— Bonne journée ! »

La policière s’éloigne de moi et je soupire de soulagement. Je peux maintenant retourner à la recherche de l’appartement de Charlie.

Je continue de marcher et je prends une pause en m’assoyant sur un banc illuminé. Tout à coup, une Faille apparait. Je me lève d’un bond. De cette Faille sort une araignée géante. Elle est aussi grosse qu’un lion !  Je n’ai pas le choix. Je dois l’affronter avant qu’elle ne tue quelqu’un !

« Par ma volonté, TRANSFORMATION ! »

En une seconde, je suis transformée et prête au combat. L’araignée me regarde, puis elle tente de me blesser avec ses nombreuses pattes. Je les esquive à peine.

« À mon tour ! SCIE AÉRIENNE !!! »

Une lame de scie ronde, formée de vent coupant, se forme et elle va couper une patte de l’araignée. Au même moment, Lily arrive. Elle me demande si je vais bien.

« Oui ! Voulez-vous me donner un coup de main ?

— Quelle question ! Je suis une Briseuse de Failles, c’est mon devoir de combattre ! »

Elle crie « CHANGEMENT DE DIMENSION ! » et le ciel change de couleur, du bleu au vert. Nous sommes dans une autre dimension avec le monstre.

« MATÉRIALISATION ! » hurle Lily.

Un arc magique, de couleur bronze, apparait dans ses mains. Sans perdre de temps, la petite fille lance une flèche argentée sur l’araignée. L’attaque semble ralentir le monstre, car l’araignée bouge très lentement.

« Cool ! EXPLOSION D’AIR ! »

Un jet d’air compressé jaillit de mes mains et, en touchant l’araignée, explose, lui causant d’importantes blessures. Tout à coup, je vois Nana apparaitre, suivie d’Alex et d’Aimé.

« Eh bien… » dit Alex. « Vous vous débrouillez bien ensemble, on dirait.

— Oui. C’est génial ! répondis-je.

— Hé ! » réplique Nana. « Je veux combattre, moi aussi. »

Nana matérialise son arme, une lance qui semble être faite d’un cristal jaune, et elle attaque l’araignée avec un combo x5, tout en rigolant. Alex soupire, et il fait apparaitre son couteau, qui semble être fait de lumière blanche solidifiée. Il lance son arme en plein dans les yeux de l’araignée, l’aveuglant.

« AH ! Alex, tu rends ce combat trop facile !

— Nana, c’est du sérieux ! Ne sous-estime pas les monstres.

— Mais cette araignée est une faiblarde ! Aimé n’a même pas à utiliser les pouvoirs de ses Âmes pour nous aider. »

Je lui demande de quoi elle parle. Aimé m’explique qu’il est un Briseur de Failles particulier. Un cas très rare. Il transporte des âmes de BF tombées au combat et il contrôle les éléments associés avec l’affinité de chaque Âme. Comme Aimé a 6 Âmes, toutes d’affinités différentes et de plusieurs générations, il a accès à tous les éléments. Leurs noms sont Rowan (feu), Nilam (eau), Dewitt (lumière), Iola (ténèbres), Flavien (terre) et Midori (vent). La lumière et les ténèbres sont des éléments moraux, alors que le feu, l’eau, la terre et le vent sont des éléments vitaux. Aimé arrive parfois à communiquer avec ses Âmes, bien que leurs relations soient tendues.

« Le mieux, c’est de vous montrer. » me dit Aimé. « Nana, éloigne-toi.

— NON ! Je veux encore attaquer l’araignée et je n’ai même pas encore électrifié ma lance !

— En tant que chef d’A.L.A.N., je t’ordonne de t’éloigner ! »

Nana crie à Alex un mot que je ne connais pas, sans doute un juron particulier pour les habitants de la planète Ionas, et elle s’éloigne du monstre.

Sans en dire plus, Aimé déferle des attaques élémentaires en appelant ses Âmes. À chaque fois, les lumières DEL de ses écouteurs et les bandes lumineuses fluorescentes de ses vêtements changent de couleur pour celle de l’élément utilisé. Rouge pour le feu, bleu pour l’eau, jaune pour la terre, vert pour le vent, blanche pour la lumière, violette pour les ténèbres. Quand Aimé a terminé, l’araignée est en morceaux difforme. Elle est morte. Nana, pour exprimer sa rage, car elle aurait bien voulu attaquer davantage le monstre, va détruire la Faille avec sa lance, puis elle crie « RETOUR À LA DIMENSION D’ORIGINE ! ».

Le ciel redevient bleu, les enfants font disparaitre leurs armes, sauf Aimé, et je me dé-transforme. Ma tenue de magical girl est aussitôt remplacée par mes vêtements. Je dis ensuite à Aimé qu’il est surpuissant.

« Oui, mais c’est une grande responsabilité avoir de tels pouvoirs. Alex, comme James avant lui, a la protection et la guérison. Lily a ses flèches magiques. Nana a sa lance électrique.

— Je trouve cela injuste. » dit Nana. « J’ai l’impression d’avoir le pouvoir le plus faible du groupe.

— Tu racontes n’importe quoi. » rétorque Alex. « C’est moi qui ai les pouvoirs les plus faibles. Ils sont tous défensifs !

— Mais ils sont puissants. » dit Nana. « T’es jamais en danger de périr par des blessures ! »

Alex reste silencieux. J’ai l’impression que le groupe est tendu. Est-ce de la jalousie ? Puis Lily me demande ce que je faisais là.

« Je suis sortie pour faire une balade… et ne plus penser à Martia. Je suis perdue.

— Oh ! On peut te raccompagner sans soucis, dit Nana.

— As-tu eu des problèmes avec Martia ? » demande Alex. « Je peux en parler avec Charlie.

— Non… pas vraiment… c’est juste… qui est Charlotte ?

— Il vaut mieux en parler discrètement en chemin. » conclut Aimé.

Alors qu’Alex et ses amis me raccompagnent à l’appartement 204, ils m’expliquent que Charlotte était Charlie. Je m’en doutais un peu. Martia était son IA psychologue.

Comme Charlie a un talent de hacker inné, ainsi que des contacts dans la clandestinité criminelle, non seulement il a pu changer de sexe via chirurgie à ses 18 ans, mais il a réussi à kidnapper et à reprogrammer Martia pour qu’elle ne soit pas une menace pour sa nouvelle identité. Maintenant, Martia continue ses rencontres de psychologie avec lui, comme s’il était toujours Charlotte. Elle est figée dans le temps et elle est incapable de concevoir que Charlie et Charlotte soient les mêmes personnes. La plupart de temps, Charlie la laisse désactivée, mais parfois, il s’amuse à converser avec elle, tout en observant ses codes et comment son IA se comporte.

« Il pense, qu’un jour, les intelligences artificielles auront accès aux émotions comme les Ionasiens et voudront revendiquer leurs droits. » explique Alex. « Selon lui, personne n’est prêt pour ça et, quand cela va se produire, le monde sera en guerre. Ionasiens contre machines. »

Je reste silencieuse. Des machines intelligentes, une guerre, les Briseurs de Failles, les autistes comme moi... Cela me fait beaucoup réfléchir.

Arrivée à l’appartement 204, je remercie tout le monde et je leur dis au revoir. Je retourne à la chambre de Charlie et Martia est toujours désactivée. Je la regarde à peine et je vais me reposer sur le lit. Quelque chose me dit que les prochains jours vont être intéressants.

Une semaine s’écoule. Je m’habitue plus ou moins à vivre à la ville de Xodias, tout en évitant les forces de l’ordre et en aidant les membres d’A.L.A.N. avec leurs luttes contre les monstres des Failles. J’apprends de Charlie qu’il serait possible de voyager d’un monde à l’autre en utilisant les Failles. Du moins, c’est la seule explication qu’il a pu trouver pour mon arrivée sur la planète Ionas. Cependant, il ignore quelle Faille prendre pour que je puisse retourner sur Terre.

Cela me rend un peu triste, mais, en même temps, entre voyager entre des mondes mystérieux et être à l’école avec les devoirs, je choisis sans hésiter de m’aventurer dans ce cher Inconnu. J’ai aussi appris que c’était bel et bien un pote hacker de Charlie qui avait piraté la femme-robot de chez Chik’Mode. Également que l’arme de Charlie, quand il était un Briseur de Failles en tant que Charlotte, était une caméra magique. Il prenait des photos pour affaiblir et blesser les monstres. Sa caméra marchait même sur des créatures fantomatiques. Cela me fait remémorer les Traces conscientes. Heather…  j’espère que vous allez bien.

Finalement, lors d’une autre journée, pendant qu’Alex et ses amis sont occupés à repousser un groupe de monstres, des chauves-souris mutantes, j’en profite pour prendre une Faille, après leur avoir dit au revoir. Je me retrouve alors dans une ville qui semble abandonnée après une catastrophe. Des voitures stationnées un peu partout, du vandalisme sur des immeubles, des vitres cassées, des déchets sur les trottoirs. Tout en inspirant un bon coup, je commence à marcher.


[32] Mot japonais voulant dire « transformation ».

INTERLUDE 2: La mère d’Alice ~ Désespoir

Je me nomme Rayelle Lorange. Je suis dans le salon de ma maison et je me retiens de fondre en larmes. Ma fille unique, Alice, a disparu depuis plus d’une bonne semaine. La dernière fois qu’elle a été vue, c’est à l’école. J’ai prévenu la police, cela va de soi, et ils sont à sa recherche, mais c’est comme si Alice avait disparu sans laisser de traces.

J’ai questionné ses camarades d’école, qui ont déjà assez été interrogés par la police, mais personne ne pouvait me dire quoi que ce soit. Comment est-ce possible ? Il y a pourtant cette adolescente. Comment s’appelait-elle déjà ? Ethel… Elton ? Oui, Ethel. Elle m’a raconté une histoire insensée. Ethel m’a dit qu’une magical girl a combattu un gros frelon aux yeux verts et brillants. Ensuite, elle a été aspirée par une étrange faille de lumière. La magical girl était rousse, comme ma fille. Ethel m’a aussi dit que personne ne se souvient de la magical girl, ni du monstre volant, à part elle-même. Cette pauvre fille à une imagination débordante.

Au moins son amie Mélane était plus raisonnable. Elle m’a dit que de belles choses sur Alice. Je ne comprends pas pourquoi ma fille ne m’a jamais parlé d’elle. Alice m’a toujours dit qu’elle n’avait pas d’amie à l’école.

Bref, j’attends, tous les jours, des nouvelles de la police, mais je n’ai que du silence en guise de réponse. Mon mari, Shawn, tente de me rassurer, mais il ne fait que me rendre encore plus malheureuse. Je prierais bien pour qu’Alice me revienne saine et sauve, mais je ne suis pas une personne religieuse. Je ne vais pas changer qui je suis, même en plein désespoir. Shawn est chrétien, mais depuis notre mariage, je ne l’ai jamais entendu prier à la maison.

Alice..., pensé-je, comme si je voulais envoyer un appel mystique. Si tu m’entends. D’une façon ou d’une autre. Je t’en prie. Reviens à la maison.

CHAPITRE 14: Naturel ~ Brise coupante

Dans la ville qui semble abandonnée, je continue de marcher. Je remarque qu’il fait jour, bien que le soleil soit sur le déclin. Je ne suis pas transformée et mes bandes lumineuses fluorescentes vertes sont toujours allumées. Je découvre rapidement qu’il y a un gros problème. Des zombies. Partout. Une invasion de morts-vivants. Il y a-t-il des survivants ? Voulant me cacher d’un groupe de zombies m’ayant vue, j’entre dans une petite maison.

À la cuisine, je tombe sur un jeune homme armé. Ses cheveux sont bruns, ses yeux sont verts, sa peau est rosée. Il doit avoir entre 16 et 18 ans. Il porte un simple chandail et des pantalons très usés. En moins de deux, il pointe son fusil de chasse en ma direction.

« Qui es-tu et, plus important encore, que me veux-tu ? » me demande-t-il d’un ton ferme.

Ça s’est produit tellement vite que j’ai uniquement montré mes mains, pour qu’il voie bien que je ne suis pas armée. Mon cerveau n’a pas retenu ses paroles.

« M’entends-tu ? » me dit-il, avec de l’impatience dans sa voix. « J’ai dit…

— Oui, mais je n’ai rien compris. »

Le jeune homme me demande à nouveau qui je suis. Je lui dis que mon nom est Alice Lorange et il devient rapidement colérique.

« ‘‘Alice… Lorange’’ ? C’est quoi ces conneries ? T’es une saloperie de Modifiée, c’est ça, hein ?

— Une quoi ? »

Je ne comprends rien et le fait qu’il pointe son fusil vers moi n’arrange pas les choses.

« Ne te moque pas de moi ! » s’exclame-t-il « Tu as un nom de Modifié !

— Je…

— Mais ton apparence est celle d’un Naturel, tout comme moi. Non… Ne me dis pas que t’es… une Namoï ?

— Une Namoï ?

— Bordel, tu sais TRÈS BIEN de quoi je parle ! »

La tension et l’incompréhension de ma situation rendent ma tête lourde. Je sens que la douleur veut venir. Cet Autre veut-il me faire des misères ou quoi ? me dis-je, frustrée. Puis pourquoi me menace-t-il avec son fusil de chasse ? Je ne suis pas un zombie !

« Non, je ne sais rien ! »

Je me suis mise à parler sans le vouloir.

« Je ne comprends rien et vous n’expliquez rien ! »

Je suis en colère. En grande colère.

« Pourquoi tout est si compliqué avec les Autres ? C’EST PAS JUSTE ! »

Le jeune homme aux cheveux bruns, ne s’attendant pas à cette réaction de ma part, me demande si je souffre d’une perte de mémoire.

Je compte lui dire un gros « non » quand je me mets à réfléchir rapidement. Si je lui dis que je viens d’un autre monde, il va penser que je suis folle et il va probablement me tirer dessus. Il vaut mieux être prudent, même s’il faut mentir. Je déteste les mensonges. J’aimerais jamais mentir, mais je n’ai pas le choix.

« O…Oui. » lui dis-je. « Je me souviens de mon nom, des zombies, et rien d’autre. »

Il baisse son fusil.

« Navré. Même si ma haine pour ceux de ton espèce ne va pas partir, ce serait lâche de te tirer dessus. »

Je lui dis un simple merci et il se présente.

« Je suis Codiriaz de Luxem. »

En entendant son nom loufoque, je pars à rire.

« Dé…Désolée… » tenté-je de dire, entre deux rires. « C’est… c’est juste… marrant… »

Codiriaz soupire.

« Tous les Naturels sont ainsi. Il n’y a que les Modifiés et les Namoïs qui ont des noms de malades ! »

Tout en me forçant de cesser de rigoler, je demande à Codiriaz ce qu’il veut dire par « noms de malades ».

« Des noms bizarres, trop simples, comme le tien.

— Je ne comprends pas. Les Naturels ont des noms compliqués, les Modifiés et les Namoïs ont des noms simples. C’est ça ?

— C’est exact, me dit Codiriaz.

— Mais pourquoi ? »

Il me dit que ça a toujours été ainsi. Bien qu’il ait remarqué mes bandes lumineuses fluorescentes vertes, toujours allumées, il ne me pose pas de questions à ce sujet.

Par la suite, Codiriaz m’explique, sans s’en rendre compte, tout ce que j’ai à savoir sur cette autre planète. Elle se nomme Médocorilia, en l’honneur du dieu du Jour, Médo, et de la déesse de la Nuit, Corilia. Je suis à la ville d’Érisko. Ce monde est aux prises avec une apocalypse zombie depuis trois ans. Il y a aussi un conflit racial qui existe depuis la nuit des temps entre les Naturels, les Modifiés et les Namoïs.

Les Naturels sont des naturalistes et des croyants. Ils vénèrent Médo et Corilia. Selon eux, c’est l’amour des deux divinités qui ont créé la vie. Ils ont aussi un énorme respect pour la nature et pour la pureté des gènes.

Les Modifiés sont leurs opposés. Ils sont des industrialistes et des chercheurs. Selon eux, Médo et Corilia sont des mythes, une religion inventée de toutes pièces pour contrôler le peuple. Ce qui a créé la vie, c’est l’énergie de cristaux de Sera. Sera, dont le nom complet est Sera Espérance, est une chercheuse qui a découvert les propriétés uniques des cristaux qui porteront son prénom. Contrairement aux Naturels, les Modifiés ont truqué les gènes à chaque génération pour évoluer, ce qui est vu comme l’œuvre du mal chez les Naturels.

Les Namoïs, quant à eux, sont rares. Ce sont des bâtards, des enfants nés d’un couple Naturel-Modifié, et qui doivent vivre avec la haine constante des deux peuples. Comme j’ai un nom de Modifié et une apparence de Naturel, Codiriaz m’a pris pour l’un d’entre eux.

« Tu as tout compris ? me demande Codiriaz.

— Oui. Alors… je suis Alice, une Namoï. »

Un autre mensonge, mais je n’ai pas le choix. Pour la survie.

« Enchanté. » me dit-il, avec un semblant de politesse « Vas-tu pouvoir te débrouiller seule ?

— Je pense que oui. Que faisiez-vous là ?

— Je cherchais à manger. Il me faut des provisions si je veux rester vivant jusqu’au Refuge.

— Un « Refuge » ?

— Oui. Je ne t’ai pas expliqué ça. Depuis l’arrivée des morts-vivants, certaines villes ont pu se fortifier. Ce sont des endroits sécurisés, où il est possible de vivre un semblant de vie normale. Le Refuge le plus proche est à deux semaines de marche.

— Je suppose qu’il y a des Refuges pour les Naturels et des Refuges pour les Modifiés ?

— Oui. Enfin, c’est ce que j’ai entendu dire en croisant d’autres survivants. Personne ne semble vouloir des Namoïs. »

En colère, je crie que c’est injuste. Codiriaz me réplique que c’est comme ça, que le monde fonctionne ainsi, et que mes parents auraient dû réfléchir à deux fois avant de me mettre au monde.

Les paroles du jeune homme Naturel me font craquer. Comment ose-il dire que je ne devais pas exister ? Stupide Autre ! Je ne prends pas le temps de réfléchir. Ma rage est incontrôlable. Je me transforme en une seconde et, avant que Codiriaz puisse me crier quelque chose, ou encore me tirer dessus, je l’attaque.

« BRISE COUPANTE ! »

La brise magique commence doucement à couper sa chair. Sur le coup de la surprise, Codiriaz lâche son fusil de chasse. J’ai le droit de vivre ! Ses vêtements, déjà sales, se tachent de sang frais. Mais... est-ce que je suis en train de le tuer ? Le jeune homme aux cheveux bruns pousse un cri quand ses mains reçoivent des coupures profondes. Le cri devient un hurlement alors que son œil droit se transforme en une bouillie de chair rouge. Choquée par cette scène sanglante, et le fait que j’en suis l’unique responsable, j’annule l’attaque magique, tout en criant mon incompréhension.

« NOOOOOOOOOOOOOOOOOON ! POURQUOI, POURQUOI, POURQUOI ? »

Puis je m’enfuis en sortant de la maison. Aucun zombie à l’horizon. Je continue de courir, tout en prenant plusieurs petites ruelles, et le jeune homme Naturel ne m’a pas suivi. Je ne pense pas le revoir un jour. J’ignore même s’il va survivre, à cause des blessures que mon attaque magique lui a infligées.

CHAPITRE 15: Modifié ~ Nom maudit

Toujours transformée en magical girl, je continue de courir. Je m’arrête devant un dépanneur aux vitres cassées et j’entre, pensant peut-être me trouver quelque chose à boire. Après tout, c’est épuisant de courir comme ça.

Je ne me considère pas comme étant une adolescente très en forme physiquement. Je fais peu d’exercice. Pas par manque d’effort, mais parce que ma peau veut « trembler » et « être collante » quand je transpire longtemps. Une sensation que je déteste et, comme avec ce cher papier, je veux à tout prix l’éviter. En même temps, bien que je ne suive pas mon poids, je ne veux pas prendre trop de livres et devenir obèse. Je pense même avoir des livres en trop, d’ailleurs. En même temps, je ne suis pas mon poids, alors comment savoir si j’ai grossi ou pas ? Bon, Alice, ne te tracasse pas avec ça !  Si jamais tu as pris du poids, tu vas le perdre en peu de temps avec toutes tes péripéties entre les mondes ! Ionas, Médocorilia… la survie dans l’infini Inconnu !

Bref, après m’être rassurée sur le volet de mon poids corporel, je cherche dans le fouillis des restes du dépanneur. Normalement, mon corps aurait réagi à ce désordre, car tout est sens dessus dessous, mais quelque chose doit me préoccuper davantage, car il ne tremble pas. Ma peau ne « brûle » pas non plus. Finalement, je ne trouve rien à boire. Je compte partir quand je vois une silhouette au loin. Quelqu’un approche... Un survivant ? Il serait surprenant de voir un zombie seul, car ils se tiennent plus souvent en groupe. Tout en restant sur mes gardes, je l’appelle.

« HÉ ! HÉ, VOUS, LÀ ! »

L’ombre se met à courir dans la direction du petit magasin abandonné. Je me demande si je devrais préparer une attaque magique quand une voix masculine me répond.

« NE CRIE PAS COMME ÇA ! TU RISQUES D’ATTIRER LES ZOMBIES.

— D’ACCORD, MAIS VOUS CRIEZ AUSSI !

— JE SAIS. ATTENDS ! »

L’être Médocorilien arrive au dépanneur. Il entre pour me rejoindre et je vois que la silhouette appartenait à un jeune homme. Comme Codiriaz de Luxem, il doit avoir entre 16 et 18 ans, bien qu’il semble être un peu plus âgé. Ses cheveux sont d’un bleu foncé, presque noir. Ses yeux sont rouges. Rouge-rubis, pour être plus précis. Sa peau, quant à elle, est aussi blanche que de la craie. Il porte un coton ouaté, un pantalon, et il a un sac à dos. Sans réfléchir, je lui demande s’il est un vampire.

« Non, bien sûr que non. Je ne suis qu’un simple Modifié au nom maudit.

— Au nom maudit ? Je ne comprends pas. »

Il me dit que son nom est Jack Coronyson. Je ne comprends toujours pas.

« Comment ? T’es pas au courant du Corony ?

— Non, je… je suis amnésique. »

C’est reparti pour les mensonges. Il le faut. Pour ma survie.

« Je me souviens juste de mon nom, Alice Lorange, des zombies, que je suis une Namoï, et c’est tout.

— Oh. Je suis navré pour toi. Avoir perdu la mémoire en pleine apocalypse zombie, ça doit être horrible. »

Jack m’explique que son nom de famille a « Corony » dedans.

Corony, c’était une marque de boisson gazeuse. Rien d’alarmant, mais le mot Corony est également associé à un virus mortel qui a causé une pandémie à l’échelle planétaire il y a une bonne dizaine d’année. Beaucoup de gens en sont morts, bien qu’un vaccin ait été rapidement conçu, et depuis ce jour le mot Corony est associé à la maladie et à la mort. Même l’entreprise de boisson gazeuse a dû changer son nom pour faire disparaitre « Corony ». Maintenant elle s’appelle Ronya.

« Depuis la pandémie, notre famille fut associée au virus, même si nous n’étions aucunement responsables de la tragédie. » continue d’expliquer Jack. « Voilà pourquoi mon nom est maudit. En plus, le virus qui aurait causé l’apparition des premiers zombies, et donc de l’apocalypse de notre monde, serait une version mutante du Corony, appelé par les chercheurs le Coro-Z. »

Le Coro-Z s’est tellement répandu rapidement, qu’aucun vaccin préventif et remède pour la zombification n’a été trouvé. Tout ce que les Médocoriliens peuvent faire, c’est survivre. Selon Jack, même dans un Refuge, la vie n’est pas de tout repos.

« J’avais connu Étienne, un Modifié aux cheveux aigue-marine et aux yeux dorés. Il avait quitté un Refuge, car il se sentait enfermé, comme s’il était prisonnier. En plus, il m’avait dit qu’il manquait de place pour accueillir d’autres survivants. Je pense qu’il était aussi parti pour laisser sa place à quelqu’un d’autre. »

Je demande à Jack ce qu’est devenu Étienne. Le Modifié aux yeux rouges reste silencieux. J’en déduis que le Modifié aux cheveux aigue-marine n’a pas survécu aux morts-vivants.

Après plusieurs minutes de silence, Jack dit qu’il doit se remettre en route. Je lui demande s’il compte se rendre au Refuge le plus proche et il me dit que « non ». Je lui demande aussi s’il est vrai qu’il existe des Refuges pour les Naturels et des Refuges pour les Modifiés.

« Oui et, en toute honnêteté, c’est stupide ! Nous devrions nous entraider, survivre ensemble, ne pas nous diviser par la haine ! En plus, les Namoïs n’y ont pas droit. S’ils s’approchent trop d’un Refuge, ils sont automatiquement fusillés, au même titre que les zombies. »

Je trouve cela scandaleux. Avant de partir, Jack me demande si je veux le suivre. Il peut m’assurer de sa protection pour un temps. Bien qu’il ne serait pas désagréable d’avoir de la compagnie, surtout si une horde de zombies se met sur mon chemin, je dis au Modifié aux cheveux bleu foncé que je vais me débrouiller seule. Après tout, ce n’est pas mon monde. Je ne suis que de passage. Je n’ai qu’à trouver une Faille pour repartir dans un autre monde.

Après le départ de Jack, je quitte le dépanneur et j’explore la ville d’Érisko, évitant des zombies, et tentant de trouver une Faille. Par mesure de précaution, je reste transformée en magical girl.

Le soleil se couche, la nuit débute, les zombies deviennent plus actifs et alertes. Aucune trace d’une Faille. Je commence à fatiguer. J’ai faim, j’ai soif, je transpire. Ma peau tremble et elle est « toute collante ». Je soupire de découragement. C’est pas juste…, me dis-je, avant d’entrer dans une maison pour me trouver de quoi me nourrir.

CHAPITRE 16: Couple ~ Entre-Deux

Dans la maison, je ne trouve rien de comestible, à part des croquettes pour chat. Je ne suis pas assez affamée pour en manger. Je prends une bonne heure pour me reposer, ce qui « calme » ma peau et lui redonne son état normal, puis je continue d’explorer la ville.

Quand je vois une horde de zombies au loin, je fais plusieurs détours pour la contourner, et je me retrouve près d’un centre commercial. Là aussi, il y a des zombies, mais en petits nombres. Je pourrais facilement tous les battre avec ma magie, mais je risque de faire trop de bruit et d’attirer la horde. Tout à coup, j’entendis des drôles de voix. Elles semblent provenir du grand magasin. Pensant qu’il s’agit de survivants ayant besoin d’aide, et faisant fi du fait que le bruit va attirer la horde vers moi, je cours vers le centre commercial, tuant tous les morts-vivants au passage avec mes attaques de vent. Cela fait beaucoup de bruits et la horde, au loin, avance lentement vers le stationnement du supermarché.

Au centre commercial, je tombe sur une scène incroyable. Un couple de survivants sont cachés dans une petite boutique, des zombies rôdent un peu partout, et certains s’entre-tuent entre eux. Je vais rejoindre le couple, en vainquant quelques morts-vivants en cours de route.

La femme est une Naturelle blonde aux yeux bleus. Sa peau est laiteuse. Elle porte des vêtements rouges déteints et déchirés par endroits. L’homme est un Modifié aux cheveux roses et aux yeux d’un bleu non naturel, soit bleu sarcelle. Sa peau, comme celle de Jack, est aussi blanche que de la craie. Il porte un jean, un chandail et un manteau. Ils ont de la saleté, des déchirures et du sang séché.

« Vous allez bien ? leurs demandé-je.

— Oui, » me dit la femme « mais que se passe-t-il donc ici ?

— Des zombies qui se tuent entre eux… » dit l’homme « Je n’ai jamais vu cela auparavant.

— Moi non plus. » leur dis-je. « Je suis Alice Lorange, une Namoï, et vous ? »

La femme s’appelle Elrikari de Elsanim, l’homme se nomme Colin Coudeau. Comme ils sont un couple interracial, ils ne peuvent pas aller à un Refuge, à moins de se séparer.

« Je préfère MOURIR que d’être séparé pour toujours de mon mari ! s’exclame Elrikari.

— Allons, chérie, tu vas faire peur à Alice ! » lui dit Colin. « Puis ni toi ni moi allons mourir. »

La femme blonde allait me dire quelque chose, sans doute me demander où j’ai pu trouver ma tenue de magical girl, quand elle se met à crier. Trois zombies sont entrés dans la boutique. Colin compte les tirer avec un pistolet qu’il gardait dans sa poche de manteau quand je me mets dans sa ligne de mire.

« Merde, Alice, que fais-tu ? Tasse-toi ! »

Je dis à Colin que je peux m’occuper d’eux.

« SCIE AÉRIENNE… »

Une lame de scie ronde, formée d’air, est créée.

« TRIPLE ! »

Elle se divise en trois et les scies vont attaquer les zombies. Alors que deux d’entre elles décapitent deux morts-vivants, et disparaissent, la dernière scie est esquivée par le zombie restant. La scie de vent tournoie autour de lui et elle tente de lui couper la tête, mais le zombie l’esquive toujours.

Colin n’en revient pas.

« Ce zombie… » dit-il. « Il a un comportement Médocorilien.

— Comment est-ce possible ? » demande Elrikari, surprise. « Et, Alice, comment as-tu des pouvoirs pareils ? »

Je reste silencieuse. Le mort-vivant continue d’esquiver ma scie et, comme l’attaque magique ne dure qu’un temps limiter, elle se volatilise. Le zombie avance d’un pas en notre direction. Voulant le menacer, je crie.

« N’APPROCHEZ-PAS OU JE VAIS… ! »

Contre toute attente, le zombie m’interrompt en parlant.

« Je ne veux pas vous faire de mal. Je suis Miller, un Entre-Deux. »

Colin, Elrikari et moi restons muets. Nous sommes bien trop sous le choc pour dire quoi que ce soit. Un zombie parlant et intelligent.

« Nous sommes une lignée de zombies ayant conservé notre âme Médocorilienne, grâce au Bon Véralinux. »

Je me retiens de rire. Véralinux… HA, un linux ! [33]

« Véralinux de Healénis, le premier d’entre nous. » continue d’expliquer le zombie intelligent. « Nous sommes peu nombreux, mais nous survivons. Certains d’entre nous sont réfugiés à la Communauté, un village isolé, d’autres survivent en solitaire, et il y en a qui veulent aider les survivants Médocoriliens. Je fais partie de la dernière catégorie, avec mes potes. »

Les paroles de Miller font germer bien des questions à mon cerveau. Son apparence est celle d’un Modifié car ses cheveux sont d’un orange vif et ses yeux sont jaune citron. Je voulais l’interroger sur les Entre-Deux quand une Faille apparait tout près.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? » me demande Elrikari.

Je lui dis que c’est une Faille et que je dois y aller. Avant que son mari puisse me répliquer quelque chose, je cours et j’entre dans la Faille. Elle disparait derrière moi, laissant le couple interracial et le zombie intelligent dans l’incompréhension.


[33] Soit le système d’exploitation pour ordinateur portant le même nom.

INTERLUDE 3: La femme japonaise ~ Idole et déesse ?

Je suis Alice Kurosawa. J’avais entendu parler des rumeurs. D’un tueur en série qui kidnappe de jeunes femmes, les marie, puis les tue. Je ne me doutais pas que ce tueur existe bel et bien. Je ne pensais jamais qu’il allait être intéressé par moi. Pourtant, j’ai été enlevée par cet homme, mais il va avoir la surprise de sa vie.

Voyez-vous, j’ai toujours ma transformation en magical girl. J’ai toujours mon pouvoir sur le feu. Alors, dès qu’il m’a détachée, car il faut bien avoir les mains libres pour s’habiller en robe de mariée, je me suis transformée. Mon corps s’est retrouvé entouré d’une lumière douce. La lumière a explosé et mes vêtements ont disparu. Je n’ai plus que mes sous-vêtements. Soudain, un haut blanc et rouge foncé moulant sans manches s’est matérialisé. Ensuite, une mini-jupe rouge pâle est apparue, avec des shorts foncés en dessous. Après, de courts gants blancs sont arrivés, suivis de petites bottes rouges. Pour finir, un gros ruban rouge pâle est né sur ma poitrine, ainsi que de longs rubans minces dans le dos de la tenue de magical girl.

Les yeux de mon kidnappeur se sont écartés de stupeur quand il m’a vu transformée puis il m’a demandé si j’étais une idole [34] et une déesse. Je me suis mise à rire. Je trouvais cela trop drôle. Moi, une idole ? Je suis bien trop vieille. J’ai 20 ans. Quoi que ma tenue de magical girl, avec la mini-jupe, peut très bien faire penser à un costume de scène pour idoles. Une déesse ? Ai-je vraiment l’air d’une divinité ? Je lui lance un simple « non », avant de le carboniser avec mes pouvoirs. Ensuite, je me suis enfuie et je suis retournée chez moi.

La journée suivante, je me suis demandé si je ne pouvais pas faire plus en tant que magical girl. La ville où j’habite, Ikamori, a beaucoup de crimes, ces temps-ci. En même temps, je ne veux pas attirer l’attention. Je dois réfléchir attentivement. Ne pas prendre de décisions trop hâtives. Je me demande ce que feraient les autres Alice à ma place ? Alice Lorange, Alice D, Alice Brown ?

Je n’ai pas réussi à reprendre contact avec elles depuis les événements de la maison d’Adélan Alarie. Je suis sûre qu’elles vont bien, mais j’aimerais bien les revoir un jour. Quoique, sans la traduction automatique des langues, communiquer sera très difficile. Peu importe. Un jour, les quatre Alice vont se retrouver. Je le sais ! me dis-je, déterminée. Je le sens !


[34] Dans le sens d’une idole (célébrité jeunesse) japonaise.

CHAPITRE 17: Sacrifice ~ Intervention non désirée

Je sors de la Faille, elle disparait par la suite, et je me retrouve sur une île tropicale, au beau milieu d’une fête. Parmi les gens, je vois, au sol, des paniers remplis de nourriture. Ayant énormément faim, je vais aux paniers et je m’empare d’un petit pain et d’une orange. Je mange le tout et, voyant que personne ne me regarde, je me dé-transforme. Ma tenue de magical girl est remplacée par mes vêtements. Étrangement, les bandes lumineuses fluorescentes vertes sont éteintes. Elles se décollent de mon chandail et de mon jean. Je vais les cacher sous un panier. Ensuite, une femme vient me parler. Elle a de longs cheveux noirs et la peau de la même couleur.

« C’est un grand jour ! Corali’hulu va bénir notre île à nouveau ! »

Je me contente de hocher la tête. Je ne veux pas attirer l’attention sur moi.

« J’espère qu’elle va lui plaire, sinon sa bénédiction sera moindre. »

Malgré les risques, j’ose lui poser des questions.

« ‘‘Elle’’ ?

— Shantalia, évidemment ! Le prochain sacrifice au Grand Corali’hulu !

— Sa…Sacrifice ?

— Bien sûr ! Tous les vingt ans, Corali’hulu demande une femme vierge en sacrifice. En échange, il bénit notre île avec ses pouvoirs divins, et aucun malheur ne s’abat sur nous ! »

Une femme vierge en sacrifice. Avec horreur, cela me fait penser à des films cochons. Films que je ne regarde pas, cela va de soi. Cependant, je suis bien tombée sur un manga pour adultes à la bibliothèque, car il avait été classé par erreur avec les mangas jeunesse. Ce manga, très chaud, a comme héroïne Tiara, une femme vierge dans la vingtaine et la princesse d’un royaume mythique. Tiara est la prisonnière d’un monstre marin aux nombreux tentacules et il… euh… je ne vais pas donner de détails, mais il la met enceinte. Le tome s’achève sur la princesse préparant un plan pour fuir sa prison sous l’océan.

« Bien sûr, je sais déjà tout cela ! » dis-je à la femme, pour ne pas avoir l’air suspecte, bien qu’il s’agisse d’un mensonge.

La dame me sourit puis elle va discuter avec un groupe de femmes.

De mon côté, j’explore mon nouvel environnement, tout en ouvrant l’œil pour l’apparition d’une nouvelle Faille. Je suis à un petit village, et, comme c’est écrit sur une pancarte en bois, sur l’île de Ryordant. Soudain, j’entends une cloche sonner, et une voix d’homme crie que tous doivent sur rendre à la plage sud pour la cérémonie du sacrifice. Pour passer inaperçue, je me faufile parmi un groupe de filles ayant mon âge. Elles sont bien trop près de moi, mais je retiens mon cerveau en me parlant mentalement. C’est pas le moment de me crier « danger » ! T’as compris ? Tous les villageois se dirigent vers la plage sud, moi y compris.

En arrivant à la plage, je vois qu’elle est bondée par tous les habitants de l’île. Je fais un tour d’horizon. Aucune Faille en vue. J’aperçois, au loin, près de l’eau, un vieil homme en toge grise. Près de lui se trouve une femme à la peau brune portant une robe blanche. Cela doit être Shantalia.  Le vieillard commence à parler et, malgré le fait qu’il soit loin pour beaucoup de personnes, tout le monde parvient à l’entendre, comme s’il avait un micro invisible. L’homme dit qu’il est le Grand Parlant, choisi par Corali’hulu pour être sa voix lors des sacrifices. Le Grand Parlant dit ensuite que Corali’hulu va prendre Shantalia et que l’île recevra sa bénédiction. Il demande à Shantalia de se rendre à la mer, pour que le Grand Corali’hulu puisse la cueillir. Je… Je dois faire quelque chose ! Malgré tout, je reste là, sans bouger.

La femme à la peau brune va dans l’eau en marchant. Alors que la moitié de son corps est immergé dans l’eau, de grands tentacules sortent de l’eau et s’emparent d’elle. Je parviens à faire quelque chose.

« NOOOOOOOOOOOON ! »

En m’entendant hurler, tous les habitants de l’île se tournent vers moi. Je ne prends pas le temps de réfléchir, ni même d’avoir peur.

« Pour Shantalia, TRANSFORMATION ! »

En une seconde, je suis transformée. Voyant cette métamorphose, le Grand Parlant ordonne ma capture.

« Oh non, VENT VIOLENT ! »

Un puissant vent se met à souffler. Il maintient les gens à distance. Sans prendre de temps, je cours vers la mer. Étant assez près de Shantalia, je lance une attaque de vent pour la libérer des tentacules en les coupant. Surprise, la femme à la peau brune tombe dans l’eau, puis elle remonte à la surface. De son côté, le Grand Parlant hurle de rage.

« Mais que fais-tu ? » me lance Shantalia, sa voix remplie de colère. « T’es en train de tout gâcher !

— NON ! » lui dis-je. « Je vous sauve la vie !

— Imbécile ! C’est ma destinée…

— De mourir ? PAS QUESTION !

— Non, non, non ! Toutes les sacrifiées vivent éternellement dans le château de Corali’hulu sous l’océan. »

Ses paroles me font penser au manga pour adulte avec la princesse Tiara.

« Et… les sacrifiées doivent lui faire des enfants ? demandé-je à Shantalia.

— Oui. Il n’a jamais réussi jusqu’à présent, mais avec moi il va… »

La femme se tait alors que d’autres tentacules sortent de l’eau. Un puissant grognement se fait entendre.

« Tu l’as mis en colère ! » s’exclame Shantalia. « Va-t’en ! »

Je veux lui répliquer quand mon attaque du vent violent diminue. Un groupe d’hommes musclés tentent alors de m’attraper. Je les évite et, miracle !, une Faille apparait. Je saute dedans et elle se referme derrière moi, laissant le Grand Parlant sans voix.

INTERLUDE 4: L’hacker roux ~ Douleur d’un passé

Je suis Charlie Toujours. Je regarde les codes de Martia défiler pendant qu’elle discute sur la politique. Rien d’anormal en vue. Elle me demande si je ne suis pas un peu trop jeune pour être intéressé par ça. Je lui réponds que « Charlie » m’en avait parlé, et que je voulais en savoir plus. L’automate me dit « Je comprends, Charlotte. », et il continue de me parler de politique. Aussi de notre cher gouvernement.

Je soupire doucement. J’ai toujours détesté le prénom de Charlotte. Même après être devenu Charlie, « Charlotte » me hante toujours. Mes parents, non, les parents de Charlotte recherchent toujours leur fille disparue. Ils ne m’ont jamais aimé tel que je suis, alors ils ne sont pas mes parents. Cela peut sembler cruel et insensé, mais je renie leurs sangs et leurs gènes.

Charlotte n’existe plus. Je suis Charlie maintenant. Charlie, le photographe à forfait, le hacker dans ses temps libres, et le mentor des Briseurs de Failles de cette nouvelle génération. Les seuls bons souvenirs que je possède de mon temps en tant que « Charlotte » sont ceux où j’accomplissais mon devoir sacré de Briseur de Failles. C’est sans compter tous les morts. Des hommes, des femmes, des enfants, d’autres BF.

Quand le centre commercial LaRayda avait été envahi par une horde de zombies, sortant d’une grosse Faille, cela a été un carnage. Certes, je les ai vaincus et j’ai détruit la grande Faille, mais, quand tout fut terminé, j’étais couvert de sang. Couvert de sang et entouré de cadavres. J’ai fait des cauchemars pendant des années à cause d’eux. Des zombies, des monstres, des morts. Toujours devoir mentir, me cacher, pour survivre, jusqu’au jour où ma renaissance est arrivée.

Martia a cessé de parler et je lui demande pourquoi. L’androïde dit que je pleure. Je rétorque que c’est impossible, qu’elle se trompe. Martia répète que je pleure. En colère, je la désactive. Ses yeux s’éteignent, sa tête se penche vers l’avant, et je sens mes larmes couler sur mon visage.

Je crie une insulte, pendant que mon état mental semble vouloir tomber en morceaux. Pourquoi ? me demandé-je, tout en souffrant. Pourquoi pleuré-je ? Pourquoi suis-je SI faible ? P.O.U.R.Q.U.O.I. ???

CHAPITRE 18: Hôtel ~ Koramié Alyce

Je sors de la Faille. Elle se volatilise par la suite. Je suis maintenant au hall d’entrée d’un hôtel effrayant. La porte d’entrée est scellée par d’étranges racines violet foncé. Il y a un mélange de sang et de boue sur les murs. Un étrange voile léger couvre mon regard. Il y a un mince brouillard…  C’est trop bizarre.

« Hé ? Il y a quelqu’un ? »

Personne ne me répond. Je vais voir au comptoir, à l’accueil. Il n’y a personne là-bas. Il doit bien y avoir quelqu’un quelque part. Je me rends à un ascenseur et j’appuie sur un bouton pour le faire venir. Les portes s’ouvrent et, avec effroi, je vois le cadavre d’un homme roux. Le corps se fait dévorer par une créature que je n’arrive pas à identifier. On dirait un mélange entre un homme et une araignée. La créature, me voyant, veut me bondir dessus pour me tuer. Étant toujours transformée, je ne me laisse pas faire.

« BOUCLIER D’AIR ! »

Une barrière magique verte la repousse et les portes de l’ascenseur se referment. Je ne dois pas rester là. Bien qu’il y ait un autre ascenseur, dans un autre corridor, je ne prends pas de risque et j’utilise les escaliers.

Alors que je monte les marches, je remarque des changements effrayants. Les murs, d’ordinaire d’un gris tristounet, changent de couleur pour un brun teinté de rouge. Des yeux apparaissent progressivement puis se volatilisent, laissant derrière eux une trace sanglante. Les marches, propres au début, deviennent couvertes d’une étrange substance gluante et chaude. Je n’ose pas y toucher et je me dépêche de monter pour le premier étage. Arrivée là, j’ouvre une porte pour me retrouver dans un corridor avec des chambres.

J’allais cogner à une porte, au hasard, quand une porte près de moi s’ouvre sur une petite fille à la peau noire, aux longs cheveux bruns et aux yeux noisette. L’enfant porte une boucle d’oreille sur son oreille gauche. Une grosse pierre jaune, entourée de feuilles d’arbre décoratives et argentées. Elle ressemble trait pour trait à une Alice que je connais.

« Brown ? Est-ce vous ?

— Poka na, téri ? [35]

— Quoi ?

— Ama kéres. [36] »

Je ne comprends pas sa langue. L’enfant se gratte la tête. Elle semble réfléchir à quelque chose puis, après avoir soupiré, elle me tend la main. Avec hésitation, je la prends.

« Ilio piru ka. [37]»

La pierre de la boucle d’oreille s’illumine pendant quelques secondes puis s’éteint.

« Me comprends-tu à présent ? » me demande la petite fille.

Surprise, je lui dis « oui ». L’enfant retire sa main rapidement.

« J’aurais préféré ne pas te lier au Système Koramié, mais c’est le seul moyen d’activer la traduction de langues extraterrestres.

— ‘‘Système Koramié’’ ?

— Oui, le système Koramié, qui nous permet d’accéder à nos formes de combat.

— Quoi ?

— Nous nous transformons et nous combattons des forces extraterrestres qui veulent envahir notre monde. »

Ne comprenant toujours pas, je demande à la fille si elle parle de la planète Terre.

« Non. Notre planète se nomme Tiérika. Je suis Alyce Hazielle.

— D’accord… et êtes-vous seule ?

— Non. Les autres Alyce sont là. Alyce M - pour Marinyova -, Alyce Létangerize et Alyce Kuriamiyo. Nous devons trouver un moyen de sortir de cette dimension maléfique avant que Tiérika soit à nouveau attaqué. »

Je veux lui poser d’autres questions, mais Hazielle me dit qu’elle n’a pas le temps. Elle doit retrouver ses compagnes d’armes. Hazielle va prendre les escaliers pour l’étage supérieur et je suis à nouveau seule.

Je me demande si je ne devrais pas la suivre quand une créature fantôme traverse un mur puis, me faisant face, elle se transforme en une femme-oiseau, dont des vers sortent de sa chair. C’est dégueulasse ! me dis-je avant de l’attaquer avec une scie aérienne. La femme-oiseau esquive la scie d’air coupante.

« Bon, comme vous voulez, ARIA SONORE ! »

Des ondes verdâtres arrachent les ailes de la créature et la transforment en une bouillie brunâtre. Sans perdre de temps, je vais prendre les escaliers pour le deuxième étage.

Au deuxième étage, je ne vois pas Hazielle. Elle a dû monter au troisième. Je monte au troisième étage, le dernier de l’hôtel, et je la retrouve dans un corridor.

« Hazielle !

— Oh, c’est toi. »

Près d’elle se trouve une jeune femme à la peau cuivrée et aux cheveux noirs, une adolescente blonde aux petits yeux bleus, et une ado rousse aux yeux verts. Les autres Alyce. Je peux facilement deviner qui est qui. La dame est Kuriamiyo, l’adolescente blonde est M et l’ado rousse est Létangerize. Elles ont aussi une boucle d’oreille, comme Hazielle, mais la pierre a une couleur différente. Rouge pour Kuriamiyo, bleue pour M, verte pour Létangerize.

« Oui, je suis Alice Lorange.

— ‘‘Lorange’’… » dit pensivement Létangerize. « Quel nom étrange.

— T’es pas de Tiérika, n’est-ce pas ? demande M.

— Tout à fait, mais je ne suis pas une ennemie.

— Non, vous ne ressemblez pas à nos adversaires venus d’autres planètes. » dit Kuriamiyo. « Comment êtes-vous arrivée ici ? »

Je compte lui parler des Failles quand le plancher se met à vibrer et des créatures visqueuses font leurs apparitions.

Je soupire de découragement.

« FOUET DE BRI… ! »

Mon attaque est interrompue par les quatre Alyce. Elles parlent en même temps.

« Koramié Alyce ACTIVATION ! »

La pierre de leurs boucles d’oreilles brille. Des lumières entourent leurs corps et, en un flash, elles se transforment. Contrairement à moi, leurs uniformes me font plus penser à des superhéroïnes qu’à des magical girls. Les Alyce portent toutes une tenue moulante grise ayant des lignes lumineuses. La couleur des lignes correspond à celle de la pierre de leurs boucles d’oreilles. Elles portent aussi une cape argentée semi-translucide. Leurs boucles d’oreilles ne brillent plus.

« Allons-y ! » dit Létangerize au reste du groupe.

Avant que je puisse leur répliquer, les Alyce vont affronter les créatures gluantes. Leurs attaques consistent de coups de poing et pied, de combo aérien - en lançant les créatures dans les airs -, ainsi que des attaques magiques.

Comme je vois des parallèles entre Létangerize et moi, je ne fus pas surprise de la voir exécuter des attaques de type vent. Hazielle, comme Brown, à des attaques magiques de terre. M, comme D, à des attaques d’eau. Quant à Kuriamiyo, elle a des attaques de feu, comme Kurosawa.

Pendant que je les regarde combattre, je vois une Faille apparaitre au bout du corridor. Ne voulant pas perdre ma chance pour aller dans un autre monde, je fais appel au vent violent pour me frayer un chemin. Alors que je passe devant Alyce M, elle me demande ce qui se passe.

« Navrée, mais je dois partir ! Bonne chance pour votre retour sur Tiérika. »

M compte me rétorquer quelque chose quand je me jette dans la Faille. Aussitôt, elle se ferme et disparait.


[35] Se traduit par « Ton nom, quoi ? ».

[36] « Pas compris. »

[37] « Liaison mentale, maintenant. »

CHAPITRE 19: Forêt ~ Fées ténébreuses

Je sors de la Faille. Elle disparait derrière moi. Je suis maintenant dans une forêt. Il fait nuit. Grâce aux rayons lunaires, je peux voir que les arbres ont une drôle de couleur. Les troncs et les branches sont noirs, les feuilles sont violettes. J’avance de quelque pas et j’entends une petite voix crier.

« CESSE DE BOUGER, SALE LOMIYANNE, QUE JE PUISSE TE CARBONISER, AU NOM DE NOTRE REINE ! »

Par la suite, j’entends le bruit d’une petite explosion magique. Pensant que quelqu’un est en danger, je cours vers la source du bruit. J’arrive alors devant une adolescente aux cheveux roses et au regard brun. Elle a des lunettes. Elle porte la costumade d’une soubrette-chat, soit une longue robe noire avec un tablier blanc, un petit nœud papillon rose avec une clochette dorée et des oreilles de chats en tissu rose sur un bandeau ayant une fioriture blanche. Elle a aussi un ruban dans son dos et une fausse queue de chat. À quelques mètres de l’adolescente se trouve une petite fée vêtue de noir. La fée a les yeux violets, les oreilles pointues et les cheveux noirs avec quelques mèches rouges. C’est elle qui avait crié.

« Mais que ce passe-t-il ici ? demandé-je.

— Fais attention, » me dit l’adolescente aux cheveux roses, « c’est une fée ténébreuse.

— Une quoi ?

— SILENCE ! » hurle la fée vêtue de noir. « TOUS LES LOMIYANS DOIVENT MOURIR ! »

La fée prononce une formule magique dans une langue que je ne connais pas. Des boules de feu apparaissent autour d’elle, puis elles se jettent sur moi.

« BOUCLIER D’AIR ! »

La barrière magique verte repousse les boules de feu et elles vont exploser sur plusieurs arbres. Heureusement, les arbres ne prennent pas en feu.

« Wow ! » dit l’adolescente. « T’es une magical girl. »

Je n’ai pas le temps de lui répondre que la fée maléfique commence à conjurer d’autres boules de feu.

« Oh non, FOUET DE BRISE ! »

Un fouet magique attaque la fée et la propulse sur un arbre, ce qui l’assomme. L’adolescente en costumade me dit de courir et elle s’enfuit. Ne sachant pas où aller, je la suis.

Après quelque temps, nous cessons de courir.

« Ouf ! » s’exclame l’adolescente. « Nous sommes tranquilles pour l’instant. »

Je lui demande son prénom.

« Léna. » me dit-elle. « Et toi ? »

Je lui dis que je m’appelle Alice. Léna me demande ensuite d’où je viens.

« Euh… si je vous dis ‘‘d’un autre monde’’, me croiriez-vous ?

— Pas vraiment, mais, en même temps, je crois aux fées. Cet imbécile de Denis, tout est sa faute ! »

Je demande à Léna qui est ce Denis. Elle me dit que c’est son petit ami. Enfin, son ex-petit ami. Elle a rompu avec lui car leur relation était malsaine. Selon Léna, Denis est « un grand malade ». Elle ne s’en était pas rendu compte, au début de leurs relations, mais Denis est obsédé par la religion. Il voit des démons partout et il n’endure pas de voir des symboles religieux dans des œuvres de fiction. Il pense même que certains créateurs de jeux vidéo sont « des maudits fils démoniaques », dû aux thèmes abordés dans leurs créations. Léna trouve cela non seulement stupide, mais carrément illogique.

« En plus, malgré cela, il est aussi obsédé par Mimi, une chanteuse populaire pour les jeunes. Comme les costumes de scène de Mimi sont inspirés de costumades, Denis me forçait à être en costume tout le temps. Aussi d’avoir ses croyances religieuses. Tu comprends maintenant pourquoi j’ai rompu avec lui. Il voulait contrôler ma vie. »

Je dis à Léna que je comprends mais, dans ce cas, pourquoi est-elle en costumade de soubrette-chat ?

« Oh, ça ? C’est uniquement pour avoir l’air cool. En passant, mes cheveux sont naturellement noirs. Bref, tu dois te demander ce que Denis a fait. »

Elle explique qu’une semaine après leurs ruptures Denis est allé dans cette forêt et il a libéré Ixelda, la reine maudite, avec ses fées ténébreuses. Léna lui avait conté la légende d’Ixelda, qui avait été scellée par un chevalier au grand cœur, alors qu’elle et ses fées voulaient tuer tous les Lomiyans. J’en conclus que ce monde se nomme Lomiya. Depuis ce jour, non seulement Denis a disparu, mais les fées ténébreuses se manifeste chaque nuit et elles tuent tout Lomiyans qu’elles peuvent trouver dans la forêt. Léna a donc pris la décision de les arrêter.

« Pour cela, je dois trouver la reine Ixelda et la vaincre, d’une façon ou d’une autre. »

Je lui dis que je suis prête à l’aider. Léna me remercie, tout en étant surprise que des magical girls existent.

« Bien si des fées existent, » demandé-je à Léna. « pourquoi pas des magical girls ? »

Je n’avais pas tort. Léna hoche la tête et nous commençons à marcher.

Léna et moi avançons dans la forêt. D’autres fées ténébreuses tentent de nous tuer, mais j’arrive à les chasser avec mes pouvoirs sur le vent. Il existe différents types de fées ténébreuses, chaque fée ayant le contrôle d’un élément. Des fées de feu, d’eau, de terre et d’air. La couleur de leurs mèches de cheveux permet de les identifier. Nous arrivons dans une clairière et une fée aux mèches vertes nous interpelle.

« Vous n’irez pas plus loin ! » s’exclame-t-elle, alors qu’elle prépare un sortilège d’air.

« Tu crois ça ? » demande Léna.

« BRISE COUPANTE ! »

La fée hurle alors que ses ailes sont coupées par mon attaque. Deux autres fées ténébreuses, une d’eau avec des mèches bleues et une de terre avec des mèches jaunes, viennent à son secours et elles prirent la fuite.

« Eh bien, » dit Léna, « c’était facile. Pour toi, je veux dire. »

Je lui demande où peut bien être la reine Ixelda. Comme pour m’offrir une réponse, un vortex noir et violet apparait. Une fée ayant la taille d’un humain adulte en sort. Le vortex disparait derrière elle.

« Ixelda ! » exclame Léna en la voyant.

La reine maudite a, comme ses fées ténébreuses, des cheveux noirs, mais ses mèches sont violettes. Elle a aussi des oreilles pointues et des yeux sombres.

« Alors, » dit Ixelda « c’est vous deux qui causez du trouble à mes chères fées.

— Nous sommes là pour t’arrêter ! » rétorque l’adolescente aux cheveux roses.

Je concentre ma magie du vent dans mes mains.

« Allons, allons. » dit la reine maudite. « Cette rouquine ne peut pas me vaincre. D’ailleurs, est-ce toi, Léna ?

— Oui, et alors ?

— Denis n’a pas arrêté de me parler de toi. Il me rendait folle, avec sa Mimi, sa religion et toi !

— Cela ne me surprend pas. » dit l’adolescente à lunettes. « C’est un vrai…

— EXPLOSION D’AIR ! » lancé-je, interrompant la conversation.

Un jet d’air compressé et magique jaillit de mes mains. Ixelda rit et elle crée une protection violette. La protection absorbe mon attaque.

« Vous voyez ? Je ne peux être vaincue !

— C’est ce que tu crois, Ixelda ! » dit Léna. « Alice, essaie autre chose. »

Je lance toutes les attaques que j’ai utilisées depuis que j’ai reçu mes pouvoirs de magical girl. Malheureusement, Ixelda parvient soit à les éviter, soit à les absorber avec sa protection violette. La reine maudite rigole de bon cœur. Elle nous répète que je ne peux pas la vaincre.

« Non… » dit Léna. « Il doit y avoir un moyen !

— Je veux bien vous croire, » dis-je « mais… En passant, où est Denis ?

— C’est pas important ! » me réplique l’adolescente. « Il faut vaincre Ixelda sinon ses fées vont continuer à tuer !

— Mais…

— Si vous voulez vraiment le savoir, il est mon prisonnier. » dit Ixelda. « Après tout, je devais bien offrir une récompense à celui qui m’a libérée.

— ‘‘Une récompense’’ ? » demandé-je à la reine maléfique. « Je ne comprends pas.

— C’est pourtant simple. Je voulais en faire un époux, mais il est bien trop fou pour ça. Je compte le tuer, après m’être occupée de vous deux. »

Ses paroles mirent Léna en colère. Elle déteste Denis, soit, mais elle ne souhaite pas sa mort. Elle me hurle de faire quelque chose et je me retiens de pleurer. Toute cette pression… le danger de la mort… Stupide Autre. Ils ne changeront jamais. Toujours la douleur… Je concentre ma colère grandissante sur ma magie.

« Laisse tomber. » dit Ixelda. « Ta magie ne peut rien faire contre moi ! »

Je ne l’écoute pas. Une grande sphère magique verte se forme dans mes mains. Je pousse un hurlement de rage, j’écrase la sphère, puis une grosse explosion magique retentit. Ixelda est repoussée par la force de l’explosion et elle se retrouve coincée entre les branches d’un arbre. Ixelda n’eut pas de temps de se libérer que je lance une succession de scies aériennes. La reine maudite crie et elle se fait découper en morceaux.

Avec la mort de la reine maudite, toutes les fées ténébreuses perdent la vie, car Léna m’explique que leurs âmes sont liées entre elles. L’adolescente à lunette me remercie.

« Honnêtement, je ne serais jamais arrivée à la vaincre seule. Merci à toi. »

Je reste silencieuse. Je suis toujours frustrée après elle. Elle n’avait pas à me crier dessus. Soudain, il y eut une lumière violette et un adolescent en caleçon apparait. En le voyant, Léna se mit à crier.

« DENIS ! ESPÈCE DE SALE CRÉTIN ! »

Denis a les cheveux bruns et les yeux bleus. Je lui demande pourquoi il est en caleçon, mais il ne me répond pas, car il est trop occupé à encaisser les insultes de Léna.

« ME MANIPULER ET ME RENDRE MALHEUREUSE, C’ÉTAIT PAS ASSEZ POUR TOI. IL FALLAIT QUE TU LIBÈRES IXELDA, GROS GOUROU CONNARD ! »

Quand Denis se décide enfin à parler, c’est pour gueuler après Léna. Il la traite de folle, de sans-cœur, de démone, de garce, et j’en passe. Il dit que c’est elle qui l’a trompé pour un autre garçon et que, lui, est innocent. Il est « un pauvre petit ange meurtri par la méchante démone aux cheveux roses ». Je roule les yeux devant ses paroles. Léna a raison. Ce type est un grand malade. Après d’autres attaques incendiaires des deux côtés, l’ex-couple continue leur dispute pour une histoire de collaboration artistique qui a mal tourné. D’après ce que j’ai compris, il s’agit d’un livre spirituel illustré en auto-édition. Denis avait écrit les textes, Léna avait dessiné les images. Comme Léna avait aidé financièrement Denis pour ce projet, pour les frais de correction et d’impression, elle veut récupérer son argent, mais Denis ne veut pas le lui rendre. Comme ils m’ignorent tous deux, je m’éloigne en marchant. Je n’ai pas à endurer les Autres et leurs querelles.

Je continue de marcher dans la forêt et une Faille apparait. Je la prends et je me retrouve dans un monde blanc. Tout est blanc, partout. J’ai l’impression d’être dans un monde du néant. La Faille disparait derrière moi et je me demande bien quoi faire.

INTERLUDE 5: La fille aux cheveux rose ~ Histoires

Je m’appelle Léna. Après m’être disputé violemment avec ce crétin de Denis, je suis rentrée chez moi et je me suis couchée. Le lendemain, après être rentrée de l’école, je commence à lire un roman. Notre monde a des histoires fascinantes.

L’histoire de Jesabelle et Manolita, deux petites filles qui ont invoqué un esprit de glace nommé Virgile pour vaincre Shirina. Shirina est une méchante sorcière qui voulait plonger le monde dans les ténèbres éternelles.

L’histoire d’Élisa et d’Élian, deux étudiants universitaires qui sont tombés amoureux après avoir aidé des habitants d’autres mondes grâce à ChatAid. ChatAid est un logiciel d’une nature paranormal.

L’histoire de Chiko, un Manipulateur de Codes (pirate) de la réalité virtuelle. Il s’est retrouvé prisonnier dans la RV et il doit s’allier avec des intelligences artificielles pour retourner dans le monde réel.

L’histoire de Saliéka, une jeune femme amoureuse de la mystérieuse Taralise. Taralise est une sirène qui a changé son apparence avec de la magie, car elle recherche Céléong, sa sœur disparue. Son nom véritable est Taralong. Liu, le fils d’un pêcheur, fait la cour à Saliéka, car il voudrait bien l’épouser, mais, lui aussi, cache un secret. Liurei est sa véritable identité.

L’histoire d’un groupe de mercenaires, les D.I.V.A., qui défendent leur monde fantastique des forces du mal. Leur ennemi le plus redoutable est Timothée, un fermier devenu nécromancien après l’assassinat de sa famille. D.I.V.A. est pour Diana, Iliana, Victoria et Alissa.

L’histoire d’Haley, un orphelin, qui se lance dans un long voyage et une grande aventure avec l’étrange Ivanoil, un être sans genre défini. Ivanoil semble posséder des pouvoirs dangereux et iel peut affronter des créatures sorties tout droit de la folie des hommes.

Parfois, je me demande même si toutes ces histoires ne sont pas « réelles » dans d’autres mondes que le nôtre. Quoi qu’il en soit, ma préférée a toujours été celle de la montre maudite.

Cette histoire parle d’une montre magique, créée par un démon. Quiconque trouve la montre peut s’en servir pour remonter le temps et réaliser un souhait. En échange, l’utilisateur de la montre doit offrir son âme au démon, et donc mourir après que le souhait a été exaucé. L’histoire suit plusieurs usagers de la montre maudite et ils ne sont pas tous Lomiyan. Mon préféré a toujours été Rezso, le loup parlant. Il a utilisé la montre pour sauver Russell, un petit garçon, d’être dévoré par un autre loup intelligent, Valko. J’aime aussi les deux sœurs, Rose Rouge et Rose Neige, qui ont utilisé la montre à tour de rôle pour sauver leurs parents et Savoie, un arrêteur de sang.

Après avoir lu pendant plusieurs heures, je commence à faire mes devoirs. Je n’ai pas revu Alice depuis la défaite d’Ixelda. Je me demande si elle va bien et où peut-elle bien être ?

CHAPITRE 20: Souhait ~ Retrouvailles

Toujours dans le monde blanc, j’entends soudainement une voix. Elle me dit bonjour.

« Euh, bonjour ? » lui répondis-je. « Où êtes-vous ? Je ne vois rien.

— Je suis partout, je ne fais qu’un avec ce monde.

— Alors êtes-vous un… un dieu ?

— Non, je ne le crois pas. »

Cette voix est très étrange. Je n’arrive pas à savoir si elle est masculine ou féminine.

« Euh, êtes-vous un homme ou une femme ?

— Je ne sais pas. Les deux, je crois. Je m’appelle Nuri.

— D’accord, Nuri. Je suis Alice. »

Nuri me dit qu’iel n’a pas eu de visiteurs depuis longtemps. Je demande ce qu’iel veut dire par là.

« Parfois, des êtres d’autres mondes se retrouvent ici. Je les renvoie dans leur monde d’origine.

— Alors… pouvez-vous me ramener sur Terre ?

— Oui, bien entendu, mais avant je réalise toujours un souhait.

— Un souhait ? Pourquoi ?

— Je ne sais pas. J’ai toujours fait ça.

— Ce monde a-t-il toujours été ainsi ? Tout blanc et rien d’autre.

— Oui… enfin, je ne sais pas vraiment. Pour être honnête, je ne sais pas grand-chose. Sur ce que je suis, sur mon passé, sur ce monde. »

Je trouve cela bien étrange. J’aurais bien voulu reprendre une autre Faille, et continuer de voyager dans des mondes différents, mais il vaut mieux retourner chez moi, sur Terre. Je dis à Nuri que je suis prête à partir. Iel me demande mon souhait.

« Je ne sais pas quoi souhaiter. »

Je pourrais demander tellement de choses : être riche, être une vedette, ne plus souffrir face aux Autres… mais ce que je veux le plus, c’est…

« Je souhaite être en compagnie d’Alice Brown, d’Alice D, d’Alice Kurosawa, de pouvoir nos comprendre et de partir à l’aventure ! »

Nuri me dit qu’il en sera ainsi. Iel me dit au revoir, une intense lumière m’éblouit, et je tombe évanouie.

Quand je reviens à moi, je vois un ciel ensoleillé. Je me lève et je suis dans un parc de la ville de Six-Luminéal. Il semble désert. Je suis de retour ! Mais où sont les Alice ? En me touchant l’oreille gauche, je sens que j’ai une boucle d’oreille à clip. Elle n’était pas là avant. Cela me fait penser aux boucles d’oreilles des Alyce et au système Koramié. Tout à coup, j’entends une voix familière m’appeler.

« Lorange ! »

La voix d’une petite fille. Elle vient de derrière moi. Je me retourne vivement et je vois Alice Brown, courant en ma direction. Contrairement à la dernière fois où je l’ai vu, elle porte une chemise bleu pâle et une jupe brune.

« Brown !

— Oh, Lorange, que je suis contente de te voir ! Cela fait un bail.

— Oui. Combien de temps s’est écoulé depuis mon départ ?

— Depuis l’événement de la maison d’Adélan Alarie ? Un mois.

— Un mois ! »

Je ne pensais pas avoir voyagé si longtemps entre les mondes. J’ai passé une bonne semaine sur la planète Ionas, mais, après, je pense avoir fait un 48 heures, top. Le temps sur Terre doit s’écouler plus rapidement. Je remarque que Brown a aussi une boucle d’oreille à clip sur son oreille gauche. Le bijou à une grosse pierre blanche. Une perle ?

« Brown, cette boucle d’oreille…

— T’as remarqué ? Nous en avons toutes une. Elles sont apparues, comme ça, puis nous avons été téléportées ici.

— ‘‘Nous’’ ? D et Kurosawa sont-elles là ?

— Bien sûr qu’elles sont là ! »

Brown appelle les deux Alice et je les vois arriver. Kurosawa n’est plus en kimono, mais en chemise blanche et en jean noir. D n’a plus ses vêtements de sports rose fluo. Au lieu d’eux, elle porte un pantalon beige et un chandail rouge.

« Lorange ! » disent-elles, après nous avoir rejointes.

Je suis contente de les revoir. Alors qu’elles prennent de mes nouvelles, je me rends compte qu’elles me parlent en français.

« Euh, est-ce juste moi ou nous parlons tous la même langue ? leur demandé-je.

— Non, t’es pas la seule. » dit D. « Les langues semblent se traduire automatiquement, sauf si on veut vraiment dire quelque chose dans notre langue maternelle. Par exemple, une attaque en mode magical girl.

— Cela semble être causé par les boucles d’oreille. » dit Kurosawa. « Je me demande bien pourquoi.

— Alors Nuri a réalisé mon souhait ! m’exclamé-je.

— Nuri ? » me demande Brown. « Qui est-ce ?

— C’est une longue histoire. »

Je leur fais un gros, mais quand même long, résumé de tous mes périples depuis la maison d’Adélan Alarie. Les Alice n’en reviennent pas. Elles ont aussi remarqué des Failles, mais, contrairement à celle qui était apparue à mon école, aucune créature n’en est sortie.

« Elles apparaissent et disparaissent sans raison. » explique D. « Je n’ai jamais essayé d’entrer en l’une d’entre elles. »

— Nous non plus. » dirent Kurosawa et Brown.

— Mais ton souhait parle aussi de nous partant à l’aventure. » dit D. « Donc, que va-t-il se passer ? »

Je lui dis que je n’en sais rien. Kurosawa me conseille fortement de contacter ma famille pour lui dire que je vais bien.

« Nous ne pouvons pas le faire pour les nôtres, car nous n’avons pas accès aux appels à l’international, et je ne pense pas que nous puissions emprunter un ordinateur pour envoyer un courriel. » explique également l’Alice japonaise. « Mais vous, vous devez être officiellement portée disparue ! »

Je n’avais jamais pensé à ça quand je me suis retrouvée sur Ionas puis sur Médocorilia, mais bon, je n’ai pas d’amies à l’école. Malgré tout, il y a quand même mes parents et cette fille. Pas Mélane, mais Ethel. Je dois leur dire que je suis toujours vivante.

Après avoir demandé aux Alice de m’attendre au parc, je vais à une cabine de téléphone publique. Quelqu’un avait laissé des sous. J’ai pu donc appeler à la maison. Quand Rayelle a entendu ma voix au téléphone, elle s’est mise à crier. Sa voix avait un mélange de joie, de colère et de tristesse. C’est comme si son cerveau ne savait pas quelle émotion produire. Quant à ses paroles, selon moi, elles n’ont ni queue ni tête. Je tente de lui dire que je vais bien, que je vais rentrer à la maison (un de ces jours) et que j’aimerais bien qu’elle dise la bonne nouvelle à Ethel. Rayelle est sourde à mes paroles. Je soupire, je raccroche et je retourne au parc.

De nouveau réunis avec les Alice, nous attendons que quelque chose d’inhabituel se produise. Cela arrive assez rapidement, car un portail coloré apparut. Brown me demande si c’est une autre sorte de Faille. Je lui réponds que je n’en sais rien.

« Eh bien. » dit D. « Qu’attendons-nous ?

— Que voulez-vous dire par là ? demande Kurosawa.

— Mais voyons ! » exclame l’Alice russe. « Qu’attendons-nous pour prendre le portail ?

— Euh. » dis-je. « Je ne sais pas.

— En tout cas, j’y vais ! » dit l’Alice américaine.

Brown va dans le portail coloré. Son corps semble plongé dedans avant de disparaitre. Kurosawa, inquiète pour la petite fille, va à son tour dans le portail. D s’en approche.

« Alors, Lorange, tu viens ?

— Oui, j’arrive ! »

D entre dans le portail coloré et je la suis. Il se volatilise derrière mon passage. C’est ainsi qu’une grande aventure va débuter pour nous, dans un autre monde. Pour les quatre Alice, autistes et magical girls !

 

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FIN

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Afterword

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